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François Bertin
(Éditions L’Harmattan, 2025, 27€)
Voici un témoignage très intéressant au sujet d’une période charnière de la diplomatie scientifique à la française, entre 1975 et 2005. Soucieuse de son influence extérieure et consciente de l’importance croissante de la science dans les échanges culturels, économiques et techniques, la France sortait de la période où elle avait envoyé, partout dans le monde, un très grand nombre de volontaires du service national pour enseigner ou coopérer. A l’instar de quelques grands pays étrangers, le Ministère des Affaires Etrangères décida qu’il fallait doter un nombre croissant de ses ambassades d’un système de Conseillers et/ou Attachés scientifiques. Ils seraient chargés de conduire une politique de recrutement de jeunes candidates et candidats à une formation supérieure scientifique en France, d’organiser des échanges temporaires de chercheurs, d’animer des programmes conjoints de recherche sur des sujets d’intérêt et de compétence communs, notamment par la création de laboratoires mixtes, et aussi d’information des organes scientifiques français sur l’avancement des recherches scientifiques et technologiques dans le pays d’accueil (naturellement, le dosage entre ces différents outils dépend fortement du pays d’accueil).
François Bertin a consacré quarante années de sa vie à cette ambition. Enseignant-chercheur à l’Université UCBL de Lyon, il a d’abord accepté un poste d’enseignant à l’Université St Joseph de Beyrouth, puis des postes de diplomatie scientifique, alternant des séjours à l’étranger avec des retours de ressourcement scientifique en France.
Après une introduction générale, son livre raconte ses expériences professionnelles et parfois personnelles dans les divers pays où il successivement vécu : Liban, Irak, Thaïlande, Iran, Etats-Unis, Tunisie, ainsi que les pays dans lesquelles il a effectué de nombreuses missions : Egypte, Nigéria, Vietnam, Maroc, Algérie, Libye. Cela se lit comme un roman, car à côté des difficultés rencontrées et des succès remportés sur le plan professionnel, il ajoute des épisodes piquants. Par exemple, il raconte comment son poste d’attaché scientifique à Téhéran est créé à la hâte en 1991 parce que le Président Mitterrand souhaite aller dans cette ville résoudre le différend ancien sur l’emprunt français conclu avec le shah pour la construction d’Eurodif. Le poste a été maintenu bien que le voyage soit annulé à la suite de l’assassinat en France de Chapour Bakhtiar, inaugurant des relations diplomatiques scientifiques entre les deux gouvernements.
Quel bilan retire François Bertin de sa vie de diplomate scientifique ? Sur le plan personnel, sa vie a été passionnante. Il a rencontré énormément de personnalités scientifiques de premier plan, en France et dans ses divers pays d’accueil. Par exemple, à la fin de sa carrière, il a secondé le Professeur Guy de Thé, Président de l’Académie Européenne des Sciences, pour des programmes de formation dans les pays en développement. Avec d’autres, il a monté une coopération scientifique, voire créé des laboratoires mixtes, à l’instar des départements des Energies renouvelables et de la télédétection à l’Asian Institute de technologie de Bangkok, l’institut de recherche dont le rayonnement s’étend sur toute l’Asie.
Pendant son parcours, il n’a pas cessé de plaider pour le développement des postes de diplomatie scientifique, encore trop souvent parents pauvres des services culturels de nos Ambassades (en moyenne dotés d’un tiers seulement du budget culturel de ces postes). Cependant, pour ceux qui seraient tentés par l’exemple de sa carrière, François Bertin avertit : la fonction de diplomate scientifique exige des ressourcements réguliers dans des postes de recherche et/ou d’enseignement en France, pour mettre à jour des compétences dans des domaines scientifiques en évolution rapides. Négliger cela rendrait le diplomate scientifique rapidement reconnu par ses interlocuteurs comme déclassé.
Notons enfin que la fonction de diplomate scientifique évolue. Ainsi, François Bertin n’a pas beaucoup traité de la coopération scientifique multilatérale, en particulier à travers l’Union Européenne et son programme de PCRD, dont l’importance est croissante. La collaboration entre ambassades et représentations de l’Union Européenne ne s’organise que lentement.
Rémy Lestienne
Kathryn Harkup
(Éditions Delachaux et Niestlé, 2025, 21.90€)
Kathryn Harkup, chercheuse en chimie devenue vulgarisatrice scientifique, nous invite dans ce livre à la découverte des éléments chimiques, ces briques fondamentales composant les molécules.
Rares sont les éléments existant à l’état pur. Quantité de chimistes se sont ingéniés au fil des siècles à les révéler, qui à partir d’une roche singulière, qui à partir d’expériences aux résultats inattendus. Leurs découvertes, obtenues au fil du temps, se sont concrétisées dans ce qu’il est convenu d’appeler le tableau périodique des éléments ou tableau de Mendeleïev, véritable alphabet de la chimie moderne.
Le lecteur se rappellera les efforts qu’il devait faire au lycée pour retenir les symboles des éléments, ne serait-ce que des deux premières lignes du tableau.
Rien d’aussi ardu ici. Voilà le tableau complet, bien campé dès les premières pages : à gauche en vert, deux colonnes des métaux alcalins et des métalloïdes ; à droite en orange la famille des non-métaux réactifs suivi de la colonne des gaz nobles ; au centre en rouge, les métaux dits de transition. Enfin, à la base du tableau les nouvelles lignes des lanthanides ou terres rares et des actinides radioactifs.
L’auteure compare le tableau à une photo de famille réunissant des branches parentes. Les parents proches sont réunis dans des colonnes ou groupes portant leur propre nom de famille (métaux alcalins pour le groupe 1, halogènes pour le groupe 17). Les colonnes voisines seraient des cousins, semblables à certains égards, mais ayant plus de points communs avec leur propre groupe. Au-delà de ces similitudes familiales, chaque élément reste un individu avec sa propre personnalité.
Ce sont ces différents ‘’caractères’’ que l’auteure a illustrés en choisissant 52 éléments parmi les 118 que contient le tableau. Nous en extrairons quelques exemples illustratifs.
La chimie repose sur le ‘’désir’’ des atomes de disposer d’un ensemble complet, ou, a minima, d’un groupe bien agencé d’électrons dans leur couche externe. Ceci est à la base de toute réaction chimique qui vise à obtenir l’arrangement électronique le plus stable en établissant des liaisons entre atomes. C’est par ces réactions que se révèle la ‘’personnalité ‘’ de chaque élément.
Ainsi les halogènes du groupe 17 disposent de 7 électrons sur leur couche externe qui pourrait en contenir 8. Parmi eux le Fluor, qualifié de ‘’grand destructeur’’, se montre le plus agressif, à la recherche d’électrons. Ce qui fait qu’on ne le trouve jamais à l’état pur dans la nature. Les premières tentatives pour l’isoler furent désastreuses et plusieurs chimistes furent intoxiqués ou perdirent la vue suite à des explosions. Une fois qu’il a obtenu son électron supplémentaire, le Fluor devient plus serein. Sous forme de fluorure, il est apparu dans les pâtes dentifrices. Combiné au Carbone il sert d’antiadhésif dans les poêles ou encore d’anesthésique.
A l’opposé, les atomes du groupe 18 ont leur couche externe complète et ne montrent pas d’intérêt à interagir avec d’autres atomes : ce sont les gaz rares ou inertes. Il faut les solliciter très fort pour les faire réagir. Ainsi le Néon devient luminescent en lui appliquant une tension électrique. Il en résulte un état, ni solide, ni liquide, ni gazeux baptisé ‘’plasma’’, qui a été à l’origine de plusieurs avancées technologiques : lampes fluorescentes, téléviseurs à écran plat et ultimement le laser.
Dans le même groupe 18, l’Hélium est un solitaire ne s’associant avec aucun autre atome. Ce qui explique qu’il ait été longtemps ignoré, révélé par hasard par sa raie jaune lors d’une analyse spectroscopique du Soleil.
Atome léger, l’Hydrogène est l’élément originel. Né un peu après le Big Bang, c’est un marginal parmi les éléments de son groupe : c’est un gaz et non un métal. Il peut gagner un électron ou perdre son unique électron devenant H+, très puissant : il donne leur mordant aux acides et aide l’eau à conduire l’électricité. Mais c’est dans la mise en commun d’électrons avec d’autres atomes qu’il prend toute son utilité : la liaison hydrogène est, par exemple, importante pour le maintien de la structure des brins d’ADN.
La vie des éléments ne manque pas d’anecdotes historiques plus ou moins cocasses. C’est ainsi que l’on découvre :
- Que la boisson 7UP a fait son succès grâce au Lithium. En 1929 son inventeur y introduisit une dose de sels de Lithium qui avaient alors la réputation d’être bénéfiques pour la santé, notamment par leurs effets calmants. Toujours d’usage dans la pharmacopée moderne, cet élément a disparu du 7UP.
- Qu’au XVIIème siècle un alchimiste cherchait de l’or dans son urine. Au bout de multiples ébullitions du précieux liquide, il obtint un dépôt reflétant une lumière verdâtre : le Phosphore était né!
La nature a eu également sa part d’ingéniosité. Elle a trouvé le moyen d’extraire l’Azote, présent à 78% dans l’air, grâce à des bactéries vivant en association avec les racines du trèfle et de certaines légumineuses, le transformant en nitrates et ainsi contribuant à la fertilisation naturelle des sols.
Tout cela nous est présenté d’un ton léger tout en apportant des informations scientifiques de première importance. Combinant illustrations et langage imagé, l’auteure parvient à rendre séduisant le domaine ardu de la chimie. Un livre à la portée d’un large éventail de lecteurs.
Jean-Claude Richard
De la même autrice : La vie secrète des molécules
Jean-Pierre Luminet
(Editions du Cherche Midi, 2025, 20.90€)
Depuis que Galilée a pointé sa lunette astronomique vers le ciel, découvrant les satellites de Jupiter, la voute céleste s’est peuplée d’une infinité de formations aux propriétés et comportements extrêmement variés. L’actualité scientifique nous en informe constamment, mais comment s’orienter parmi cette infinité de formations cosmiques aux allures intrigantes? Jean-Pierre Luminet y répond dans ce livre en proposant un abécédaire de corps célestes insolites, véritable voyage dans le cosmos.
Connu du grand public pour ses ouvrages de vulgarisation et comme conférencier, Jean-Pierre Luminet a œuvré dans des domaines très divers de recherche en astrophysique et cosmologie. Citons brièvement ses travaux sur la théorie des "effets de marée" causés par les trous noirs, ses intérêts pour la topologie de l’Univers, pour les anomalies du fond diffus cosmologique et pour la gravité quantique. Ajoutons à ses talents d’homme de science ceux de poète et de romancier-auteur d’œuvres inspirées par la vie des savants fondateurs de l’astronomie moderne, de Copernic à Newton.
Son énumération alphabétique apparaît a priori comme une suite de noms étranges, combinaisons de chiffres et de lettres établies selon des règles de nomenclature dictées par l’Union astronomique internationale, mais également des appellations poétiques, souvent inspirées de la mythologie ou tout simplement le patronyme du découvreur de telle ou telle comète. En reconnaissance de sa contribution à l’astrophysique, Jean-Pierre Luminet a d’ailleurs vu son nom associé à l’astéroïde5523, bien qu’il ne l’ait pas découvert lui-même.
Pour en rendre la consultation moins austère et attiser la curiosité du lecteur, l’auteur s’est amusé à associer à chacune des 156 entrées un sous-titre évocateur ou amusant. Le lecteur est donc libre d’explorer cette riche énumération, au gré de sa propre curiosité. Un index de 68 références permet une approche de lecture plus directe.
Parmi l’infinité de formations gravitant dans le cosmos l’auteur a pris soin de choisir celles qui, par leurs spécificités, illustrent le mieux les objectifs de recherche et les découvertes les plus récentes. 156 corps célestes ont été retenus, du plus petit astéroïde à la plus grande galaxie connue, sans oublier trous noirs, quasars, pulsars et supernovas parmi les plus connus, et exoplanètes, amas globulaires, superamas, magnétars parmi les moins communs.
Chaque entrée est prétexte à fournir au lecteur une foule d’informations portant autant sur les caractéristiques propres de l’objet que sur les techniques employées pour le détecter ou l’analyser. On y découvre l’apport extraordinaire des observatoires terrestres et spatiaux les plus performants ainsi que l’étroite collaboration entre les centres de recherche et les agences spatiales par le partage des données collectées par ces appareils de très haute technologie.
Voici quelques incursions dans cette riche énumération.
- Le petit astéroïde RYUGU a été ‘’égratigné’’ en 2019 par une mission japonaise, rapportant un échantillon de 5,4 grammes riche en matière organique et composants chimiques. Étant un des plus primitifs, il renseigne sur les matériaux à partir desquels le système solaire s’est formé. De 900 mètres de diamètre il entre dans la catégorie des astéroïdes géocroiseurs potentiellement dangereux.
- Autre exemple de risque : on prévoyait en 2004 que l’astéroïde Apophys pourrait toucher la Terre le 13 avril 2029, avec un niveau 4 de risque sur l’échelle de Turin. Après rectification il passera en réalité à 32 000 km. Ces risques sont pris très au sérieux et la mission OSIRIS-Rex a été reprogrammée pour aller "voir" ce géocroiseur de plus près.
- A une autre échelle, les astronomes, friands de records, sont partis à la recherche du plus gros trou noir. Les techniques utilisées pour les débusquer vont de l’analyse des raies d’émission (trou noir TON 618 de 66 milliards de masses solaires) à la mesure gravitationnelle directe (trou noir Holmerg 15A = 40 milliards de masses solaires).
- Alcyonée, la plus grande galaxie connue de l’Univers a été découverte en 2022. Quelques chiffres : longue de 16 millions d’années-lumière (notre Galaxie a un diamètre de 100 000 années-lumière !), son trou noir est supérieur à 1 milliard de masses solaires. De type radiogalaxie, elle a été détectée par les ondes radio qu’elle émet.
- Les fusions de galaxies sont des phénomènes fréquemment observées dans l’Univers. La galaxie qui résultera de la fusion de la Voie Lactée et d’Andromède a déjà été baptisée : Androlactée en français, Milkomeda en anglais.
- La détection d’exoplanètes est une tâche permanente qui occupe de nombreux chercheurs. La méthode dite du ‘’transit’’ consiste à surveiller les variations de luminosité d’une étoile, signe du passage d’une planète en orbite autour de cette étoile.
- L’étoile Polaire va s’éloigner du pôle Nord céleste en raison de la précession des équinoxes pour y revenir après un cycle d’environ 25 800 ans. Dans un futur lointain l’éclatante Vega prendra sa place.
- 50% des étoiles vivent en couple, l’une s’alimentant de la matière de l’autre.
- 80% des étoiles sont des naines brunes : elles n’ont pas accumulé assez de masse pour déclencher les réactions de fusion nucléaire d’hydrogène, contrairement à notre soleil.
- Des irrégularités se manifestent dans la période du signal émis par certains pulsars, attribuables à des "tremblements d’étoile", signe que sa structure se modifie. Pas de quoi perturber les musiciens terrestres qui utilisent ce signal comme batterie !
Tous ces objets, insolites certes, mais tous sources inépuisables de données, contribuent à la reconstitution de l’histoire de l’évolution de l’Univers et des origines de la vie sur notre petite Terre.
Pouvant être perçu de prime abord comme d’accès fastidieux, cet abécédaire s’avère être d’une grande richesse d’informations scientifiques sur l’état des connaissances en astrophysique et cosmologie, agrémenté par un style littéraire des plus agréables. Ceci en fait un ouvrage de référence que tout étudiant ou amateur féru d’astronomie moderne se devrait d’avoir dans sa bibliothèque scientifique.
Jean-Claude Richard