Femmes néolithiques. Le genre dans les premières sociétés agricoles

Anne Augereau

(CNRS Editions, 2021, 304 p. 24€)

 
Femmes néolithiques (A. Augereau, CNRS Ed.)Un livre assez imposant (304 pages) dans une série faisant le point sur diverses connaissances. Ici, le thème est clairement exposé dès la première phrase : «On peut affirmer aujourd’hui que la domination masculine est un fait quasi universel», la suite ayant pour finalité d’examiner si ce fait est universel dans le temps en remontant jusqu’au Néolithique et aux sociétés d’agriculture.

Donc un sujet dont l’intérêt n’est apparu que très récemment, la domination masculine ne semblant poser problème que depuis moins d’un siècle.

Pour des acteurs des sciences «dures» comme l’auteur de ces lignes, les méthodes d’investigation sont très intéressantes même si elles semblent contestables car très différentes des sciences dures justement, où l’on peut faire des expériences. On remarque aussi immédiatement les grandes précautions oratoires pour n’oublier personne parmi les collègues.

L’auteur se concentre sur une période dite «du Rubané» faisant allusion à un certain type de poterie que l’on retrouve sur une zone très vaste, du Danube au Bassin parisien au moins, et sur une période embrassant des milliers d’années. En agrégeant les découvertes et les analyses de tombes notamment, on peut dresser un tableau assez riche des mœurs et de la sociologie de ces populations, même si cela peut prêter à critique, surtout si en plus on se réfère à des sociétés «primitives» actuelles. L’auteur est parfaitement consciente des biais possibles.

Pour faire simple, on dira que deux voies d’investigation dominent : l’agencement des tombes et ce qu’on y trouve (outils, parures, poteries…) et l’origine géographique des personnes défuntes qu’on peut tirer du dosage du strontium de leurs dents via leur régime alimentaire.

Il n’est pas toujours évident de déterminer le genre d’un squelette, notamment la forme du bassin, ce qui réduit le nombre d’échantillons qu’on peut inclure dans une statistique. De 3000 squelettes trouvés, on ne peut assurer le genre que de 378.

L’idée assez logique est que quand on place une herminette polie dans une tombe et qu’on se sépare ainsi d’un objet difficile à fabriquer donc cher, c’est que le défunt était une personne importante, en général un homme. De même si le squelette comporte des bijoux, c’est que c’était une femme importante. Cet argument n’est qu’à moitié convaincant : Mumtaz Mahal pour laquelle fut bâti le Taj Mahal n’avait probablement pas de rôle politique important : c’est son mari qui se glorifie par cet édifice splendide.

L’analyse de la déformation des os et des articulations renseigne sur l’activité, notamment le broyage des grains, les blessures sur la guerre (pas si fréquente en fait). Le strontium permet de montrer que le plus souvent les hommes naissent, vivent et meurent sur place, tandis que les femmes peuvent venir de loin (migrations, razzias ?). De même les parures peuvent venir de loin, comme des coquillages marins en Alsace, ce qui montre que ces gens-là voyageaient et ne regardaient pas à la dépense lors de funérailles.

La conclusion assez prévisible est que ces sociétés rubanées étaient inégalitaires, avec des rôles homme-femme délimités et des hommes dominateurs. Nous n’avons rien inventé !