Guillaume Lachenal, Gaëtan Thomas
(Autrement, 2023, 96 p. 24€)
Un livre de 96 pages mais qui mériterait d’en faire le double, tant les informations sont riches, le contenu très illustré et les données chiffrées nombreuses.
Ce livre est conçu en cinq chapitres – La planète des pandémies, Les détectives des maladies infectieuses : la culture visuelle de l’épidémiologie, Les territoires de l’épidémie : une géographie politique, Lieux de confinement : de l’enfermement à l’invention de soi, Environnements pathogènes – complétés par une bibliographie de deux pages.
Chaque sous-chapitre, entre cinq et neuf selon le chapitre, est traité en deux pages. On s’approprie ainsi le propos très rapidement. Certains graphiques, par exemple le Global Security Index, demandent cependant quelque temps d’appropriation.
On remonte «loin», au Néolithique avec les épidémies de rougeole et de variole, puis les pandémies de peste et de fièvre jaune, puis celles de la grippe ou le choléra. Les causes sont présentées : l’invention de l’agriculture et la domestication du bétail, le commerce, les transports, l’urbanisation… ou le lien pauvreté-épidémie avec le cas du choléra à Paris entre 1820 et 1830. L’hypothèse zoonotique est discutée. Un schéma sur l’émergence des salmonelles pathogènes et la révolution néolithique est très parlant, ou celui de la peste justinienne avec les preuves archéo-biologiques de la présence de Yersinia pestis dans différentes villes en fonction de l’extension de l’Empire romain d’Orient sous Justinien.
Un chapitre souligne «le rêve de l’éradication» suite à la révolution bactériologique due aux travaux de Pasteur et de Koch, l’arrivée des vaccins et des antibiotiques. Le XXe siècle s’est particulièrement illustré dans cette lutte contre les épidémies, cancers et maladies cardiovasculaires supplantant ainsi les infections dans les statistiques de mortalité.
Une pépite, la fameuse carte de John Snow, médecin anesthésiste de Londres, publiée en 1855 : Snow visualise les décès dus au choléra dans le quartier de Soho et met en évidence le rôle d’une pompe à eau dans Broad Street. C’est la démonstration du rôle de l’eau dans la transmission du choléra et la reconnaissance de Snow comme fondateur de l’épidémiologie par beaucoup d’entre nous.
Le chapitre le plus scientifique est peut-être celui traitant de l’épidémiologie moléculaire. L’apport de la bio-informatique et des techniques de séquençage du génome se révèlent extrêmement efficaces ; rappelons que la séquence de l’ARN du Sars-CoV 2 a été publiée dès le 10 janvier 2020 !
Avec l’exemple de la maladie de Lyme (due à une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato transmise à l’être humain par des tiques infectées), les auteurs démontrent le rôle essentiel de la transformation des paysages périurbains dans la progression épidémique de cette borréliose. L’incidence de la maladie est de plus de 500 000 cas chaque année, principalement en Europe et en Amérique du Nord.
Cet ouvrage démontre la nécessité d’une approche géopolitique pour comprendre l’évolution du monde vivant. Il est écrit par deux universitaires, un historien des sciences, Guillaume Lachenal, et un historien, Gaëtan Thomas, tous deux membres du médialab de Sciences Po, et avec la participation de Fabrice Le Goff pour la cartographie. Ces auteurs terminent l’ouvrage par une conclusion intitulée «Les épidémies autrement», titre qui résume bien l’impression que laisse la lecture de cet atlas.