Françoise Serre Collet
(Quae, 2024, 136 p. 26,50€)
Ce livre de grand format, magnifiquement illustré, comporte une préface du Dr Ivan Ineich, herpétologiste au Muséum national d’histoire naturelle, un avant-propos de Rudy Fourmy, fondateur d’Alphabiotoxine Laboratory, une introduction, trois chapitres et une bibliographie.
Le titre indique bien l’étrange relation, le plus souvent mauvaise, qu’on entretient avec cet animal sans pattes, venimeux et, en plus, à l’origine du soi-disant péché originel !
Ayant côtoyé cet animal dans ma jeunesse, je me suis d’autant plus intéressé au sujet. Dans les années cinquante, on trouvait beaucoup de vipères nichées dans les vieux murs en pierres sèches du Poitou. Souvent, des maçons les attrapaient et les exhibaient en les tenant verticalement par la queue pour les tuer quelques instants après. Depuis plusieurs décennies je n’en rencontre plus, ce qui m’avait déjà amené à m’interroger sur la survie de cette espèce. Ce livre vient à point nommé pour expliquer la place que les vipères tiennent dans la nature, et la nécessité de les protéger.
Dans l’introduction, l’auteure nous montre l’ancienneté de notre relation compliquée avec ce serpent qui, dans l’imaginaire, peut tuer ou guérir, représentant le bien et le mal. Pendant très longtemps l’homme l’a pourchassé et c’est seulement en 2021 que l’autorisation de tuer les vipères en France a été abrogée. Les nombreuses espèces sont présentées ainsi que la complexité de leur classification. Des indications sont données pour expliquer les raisons de la peur ou du dégoût que la vipère provoque et l’on fait le tour des croyances religieuses.
Le premier chapitre donne les clés de l’observation de ces animaux : température et nature du lieu (déserts, forêts, montagne, campagne). L’auteure explique comment les approcher sans risque et les photographier.
Le deuxième chapitre est consacré au venin. On découvre sa composition complexe et ses effets. Curieusement, il aide la vipère à digérer ses proies et elle ne l’injecte pas systématiquement quand elle mord. Les organes sensoriels sont décrits. On apprend que la vipère arrive à capter les sons – c’est pour cette raison que dans ma jeunesse, on nous disait de taper du talon quand on marchait dans des zones où elles pouvaient se trouver. On découvre l’étonnante sophistication de ses capteurs et de son crâne. On apprend que les reptiles en tout genre tuent autour de 100 000 personnes par an dans le monde, mais aussi ce qu’on doit faire en cas de morsure, ainsi que les nombreuses recherches liées au cocktail de molécules présentes dans le venin.
Le troisième chapitre est consacré à la relation globale entre l’homme et la vipère. La déforestation et la disparition de la végétation limitent le nombre de serpents mais, en plus, l’homme les détruit systématiquement. Aux Etats-Unis, le massacre des crotales est une cérémonie. En France, le métier de chasseur de vipères a existé jusqu’à la fin des années soixante-dix ; l’un d’eux en a tué 40 000 en Haute-Loire. Des parcs nationaux et zoologiques, mais aussi des associations, tentent de sauver et de réintroduire les espèces en voie d’extinction, et l’auteure explique comment elles se reproduisent. On découvre des élevages en Hongrie, en Belgique, en Suisse.
Françoise Serre Collet termine par un message sur la nécessité de développer et d’enseigner les sciences de la vie afin que les connaissances ainsi acquises permettent de regarder d’un autre œil ces animaux mal connus. Son livre est un plaidoyer pour le respect de la nature, et en particulier pour l’espèce la plus mal aimée du règne animal. D’un très bon niveau scientifique, il peut être lu par toute personne intéressée par les sciences de la vie et de la nature. Après l’avoir lu, on a une tout autre vision de cet animal étrange qui, lui, ne mord que pour se nourrir ou s’il est attaqué !