Jean-Gabriel Ganascia
(Seuil, 2024, 168 p. 13,50€)
Le 20 mars 2023, Jean-Gabriel Ganascia, professeur à la Sorbonne et chercheur dans le domaine de l’IA, reçoit une proposition d’interview. Cet entretien, conduit par quatre collégiens, aborde de nombreuses questions sur notre relation étroite avec l’IA et son utilisation. En effet, dans une période où celle-ci fait souvent la une des journaux, nous sommes confrontés à notre ignorance sur le sujet. Ainsi, au travers du livre L’IA expliquée aux humains (la transcription de l’interview), Jean-Gabriel Ganascia explique le fonctionnement et la naissance de cet outil technologique tout en explorant la relation entre humains et intelligence artificielle.
Tout d’abord, dans intelligence artificielle il y a le mot intelligence. Mais qu’est-ce l’intelligence ? Par son échange avec les collégiens, Ganascia met en évidence quatre sens à ce terme, dont l’un est l’ensemble de nos capacités à raisonner, à percevoir, à mémoriser, imiter, comprendre, etc. C’est en cherchant à mieux comprendre cet ensemble que les scientifiques ont élaboré les premières «intelligences artificielles».
C’est notamment en appliquant des algorithmes (instructions de calculs connus depuis l’Antiquité) sur des ordinateurs que les scientifiques ont comparé les réactions des humains et des machines face à un même problème. Une intelligence a alors été créée artificiellement pour les ordinateurs, qui sont capables de calculer et résoudre des problèmes.
Et quelles sont les autres applications de l’IA ? Il est facile de n’imaginer l’IA que par ses développements récents. Pourtant, une de ses premières applications, souvent ignorée bien que répandue, est l’hypertexte, qui lie des mots à des articles sur le même sujet. Cela a permis le développement des URL et du web.
Il est vrai que l’IA prend maintenant la forme d’une entité à part entière et n’est plus seulement un outil diffus et invisible. Elle est matérialisée par des robots intelligents, des voitures autonomes et surtout par la conversation grâce aux chabots, des sortes de robots amputés de forme physique, qui discutent (ChatGPT).
Notre étroite relation avec l’IA soulève des questions éthiques : l’IA peut-elle reproduire ou surpasser l’intelligence humaine ? Même l’art, considéré comme propre à l’Homme, est désormais exploité par l’IA, qui a généré une œuvre vendue 432 500 $. Cependant, comme le souligne Ganascia, ce sont les concepteurs du programme qui sont les véritables artistes, et non l’IA. Cela s’applique aussi à d’autres domaines comme la musique, l’écriture ou la santé, où l’humain reste le principal acteur, utilisant l’IA comme un outil, sans lui laisser d’indépendance.
Au départ, l’IA servait à résoudre des problèmes simples, mais les choses se sont compliquées lorsque des enchaînements d’actions devaient être pris en compte, comme aux échecs, où chaque déplacement dépend de celui de l’adversaire. Le nombre de combinaisons possibles est immense : de l’ordre du nombre d’atomes sur Terre. Pour simplifier, on a introduit une intuition heuristique qui aide l’IA à écarter les options inutiles, bien que cela reste imparfait car l’intuition peut être trompeuse.
Pour améliorer les performances, l’apprentissage par renforcement a été créé. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Prenons l’exemple d’un petit Poucet dans une forêt qui dépose des cailloux pour marquer son chemin. Il ajoute ou retire des cailloux selon qu’il trouve ou non ce qu’il cherche. Ainsi, la prochaine fois qu’il reviendra, il aura maximisé ses chances de réussite. C’est sur ce principe que repose l’apprentissage par renforcement et que fonctionnent les IA aujourd’hui.
L’IA fait beaucoup parler des dangers qu’elle représente pour la société. Elle peut servir d’appui à une société de surveillance en analysant les images de caméras de rue et en imposant ainsi des règles de conduite collective. C’est déjà le cas en Chine où les habitants ont une note sociale selon leurs actions. Aussi, les technologies génératives sont utilisées pour créer de fausses informations, comme de faux discours politiques, fragilisant la démocratie.
L’IA reste cependant un atout précieux dans de nombreux domaines. En santé, elle permet par exemple de diagnostiquer des cancers de la peau à partir de photos de grains de beauté. En agriculture, elle permet de détecter des maladies sur les plantes et de donner des conseils sur l’arrosage et la semence. De plus, elle permet d’importants progrès dans la cosmologie, notamment avec l’étude d’images prises par des télescopes et elle aide dans l’exploration spatiale en pilotant des vaisseaux spatiaux et des robots de collecte d’informations.
Avec ce livre, l’auteur aborde donc tous les aspects de l’IA, répondant de façon claire et accessible à nos questions fondamentales sur cette technologie. De plus, on apprécie la diversité des points de vue offerte par les quatre collégiens et le scientifique, qui ouvre alors la voie à de nouvelles pistes de réflexion.