Pierre Léna, Christian Grataloup
(Les Arènes, 2024, 256 p. 27€)
Cet atlas séduira les passionnés de cartes, d’astronomie et d’histoire. Il nous raconte l’aventure millénaire de l’homme face au ciel et ses énigmes. Sous la houlette de l’astrophysicien Pierre Léna, du géographe Christian Grataloup et de la journaliste Léna Hespel, une trentaine de spécialistes ont contribué à cet ouvrage collectif, qui fait la part belle aux cartes, célestes et terrestres, et aux infographies les plus diverses. Le texte se limite à quelques lignes par page.
Un préambule nous rappelle les bases de l’observation des astres. Par exemple, la fraction visible du ciel étoilé dépend de la latitude ; chaque nuit, les étoiles se lèvent à l’est, quatre minutes plus tôt que la veille ; le ciel est différent chaque nuit.
Le récit chronologique de l’aventure astronomique est ensuite déroulé. Morceaux choisis :
Une carte du monde répertorie une centaine de mythes de l’origine de l’humanité. Le «ciel» est la demeure de la plupart des dieux et sa connaissance est source de pouvoir. L’astronome organise le calendrier (récoltes) et prédit l’avenir (horoscopes). Nos signes du zodiaque datent des Babyloniens (-530). Le début des récoltes, en Polynésie, se faisait à l’arrivée, dans la nuit de novembre, des sept étoiles des Pléiades. Ces mêmes étoiles qui étaient utilisées chez les Perses pour tester l’acuité visuelle des archers !
Chez les Grecs, il est entendu que la Terre est sphérique, immobile et au centre du monde. Sauf pour Aristarque de Samos. Son modèle héliocentrique (-250) fut rejeté pour des raisons valides selon la «physique» de l’époque.
Le grand astronome de l’Antiquité est Hipparque, de Rhodes (-150). Ses observations du ciel, à l’œil nu évidemment, sont stupéfiantes. Il mesure que le printemps est six jours plus long que l’automne et il excentre donc l’orbite du Soleil autour de la Terre. Il détecte un léger décalage annuel des équinoxes et en déduit une oscillation de l’axe de rotation de la Terre, sur un cycle de 26 000 ans. Ainsi notre étoile Polaire n’indiquait pas le nord au temps d’Hipparque !
Trois siècles plus tard, un autre géant de l’astronomie grecque se dresse : Ptolémée, à Alexandrie. Il établit un modèle complexe de multiples cercles (épicycles) pour mieux décrire le mouvement, assez erratique, des planètes. Pendant quinze siècles, les tables de Ptolémée seront la référence indiscutable pour suivre les planètes, prédire les éclipses, établir les calendriers et réaliser les cartes terrestres ou marines. Etonnant pour un modèle faux !
L’islam prend la relève. Le Persan Al-Biruni juge possible une Terre en mouvement (1000), imitant ainsi l’Indien Aryabhata, cinq siècles plus tôt. Les savants arabes ou persans corrigent à la marge le modèle de Ptolémée, sans faire d’avancée décisive.
L’héliocentrisme de Copernic, en 1543, est une énorme rupture. Néanmoins, Copernic maintient le vieux postulat grec des mouvements circulaires à vitesse constante et quelques épicycles. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les tables de Copernic ne donnent pas de meilleurs résultats que celles de Ptolémée !
C’est Kepler qui soumet le modèle final, avec des orbites elliptiques, des vitesses variables, sans épicycle, coupant définitivement le lien avec l’Antiquité (1609) et ouvrant la voie à Newton et l’attraction universelle.
L’invention, en Hollande, de la lunette astronomique décuple la vision de l’astronome. Les observations de Galilée crédibilisent solidement la thèse de l’héliocentrisme, qui ne sera prouvée qu’en 1728.
Avec la spectrographie, qui transforme l’astronomie en astrophysique, on bascule dans l’histoire moderne. Big Bang, expansion, naissance, vie et mort des étoiles : l’Univers a une histoire !
La découverte récente d’exoplanètes très similaires à la Terre (étoile TRAPPIST-1) alimente les espoirs des chercheurs de vie dans l’espace. L’instrumentation, terrestre ou spatiale, suit la course au gigantisme (miroirs de 39 m ; antennes de 100 m).
Un dernier chapitre est consacré à la conquête spatiale, avec les historiques des missions de sondes. L’encombrement de l’espace par les débris devient un sujet d’inquiétude. On pourrait passer de 7500 à 100 000 satellites en 2030 !
Terminons par un coup d’œil sur quelques sujets étonnants glanés dans l’atlas : la plus vieille carte du ciel (disque de Nebra, -1600, découvert en Allemagne !), la carte de l’errance du Nord magnétique, qui se déplace vers l’est de 55 km par an, l’extraordinaire horloge chinoise de Su Song, le paradis céleste et la hiérarchie des anges dans la cosmogonie de Dante, les démêlés de deux jésuites en Chine, sauvés de la mort par un tremblement de terre !
Ce livre est un condensé captivant de 6000 ans d’astronomie en 200 pages. Un aide-mémoire clair et rigoureux, facile à consulter. Comme les auteurs le souhaitaient, il répond parfaitement à la question : d’où savons-nous tout cela ?