Le dernier alchimiste à Paris, et autres excursions historiques dans le tableau périodique des éléments

Lars Öhrström

(EDP Sciences, 2016, 264 p. 19 €)

 
Le dernier alchimiste à Paris, et autres excursions historiques dans le tableau périodique des éléments (L. Öhrström, EDP Sciences, 2016)Tous ceux qui ont pris contact avec la classification périodique des éléments en apprenant par cœur quelques phrases mnémotechniques, dont par exemple « la cuisine en zinc de la gare de Genève a ses briques creuses (Cu, Zn, Ga, Ge, As, Se, Br, Cr) » vont grandement apprécier le livre de Lars Öhrström.
Les deux premiers chapitres concernent l’uranium et se lisent comme un roman d’espionnage des années cinquante ; ils narrent, en liaison avec une histoire d’amour interraciale, la découverte et l’exploitation du premier site d’extraction d’uranium en Afrique du Sud. Ensuite on passe à la guerre froide et à la performance des Russes qui font exploser leur bombe atomique en 1949. On étudie aussi le travail d’espionnage des Américains pour comprendre, au travers de l’industrie du calcium, comment les Russes avaient obtenu l’uranium à partir de ses oxydes.
Dans les chapitres suivants, on parle de l’hydrogène et des aventures du chien Ulla dans le dirigeable Hindenburg, ce qui permet de comparer l’hydrogène et l’hélium. Ensuite, on passe sans transition à la découverte de l’acier et des efforts de l’espion suédois Reinhold Angerstein pour percer les mystères de la qualité de l’acier anglais de Huntsman. Puis on explore les épices et la représentation spatiale des molécules, le cuivre, les pierres précieuses, ce qui nous entraîne dans le monde de la cristallographie.
Le chapitre 8 concernant, entre autres, le zirconium, est un peu confus mais le suivant sur le carbone et ses différentes structures me semble plus intéressant, d’autant plus qu’il parle des mines anglaises de graphite qui contrôlaient le marché du crayon jusqu’à l’invention de Nicolas Conté qui permit de se passer du graphite ! On explore ensuite l’aventure de la fabrication de l’aluminium à partir de bauxite et de cryolite.
Le chapitre 11 décrit de façon originale ce qu’on appelle en France la bataille de l’eau lourde.
Le suivant, intitulé « Le dernier alchimiste à Paris », fait le raccord avec le titre de l’ouvrage : on s’interroge sur qui est ce mystérieux personnage. Nicolas Flamel ? eh bien, pas du tout ! il s’agit du célèbre romancier Strindberg et de ses aventures ésotériques à Paris.
On passe ensuite au « crétin des Alpes » et sa relation avec Bernard Courtois, découvreur de l’iode, puis à l’utilisation du brome et de la strychnine en liaison avec une certaine Agatha Christie. On survole les explosifs liés à l’acétone et à la récolte du salpêtre, puis on passe à la maladie de l’étain et à l’explosion des boutons des soldats de Bonaparte en Russie.
Vitruve, au 1er siècle av. J.-C., avait déjà prévenu des dangers du plomb ; 2000 ans plus tard, on utilise toujours des composés de plomb dans l’essence, au grand dam des hygiénistes modernes. Quant au chrome, on prend contact avec lui grâce au film Erin Brokovich. On continue avec Elisabeth Taylor pour expliquer la résonance magnétique nucléaire et le fonctionnement de l’IRM. Sans transition on passe à l’empoisonnement à l’arsenic et au moyen de le doser. On termine par la maladie de Parkinson, ce qui permet à l’auteur de traiter de l’isomérie optique et des catalyseurs.
Le livre de Lars Öhrström est à la fois un mini-cours amusant et très pédagogique mais aussi et surtout une mine d’anecdotes. Il peut donc trouver un large public où les non chimistes auront des explications simples sur la réalité de la transformation de la matière, et les chimistes chevronnés liront avec intérêt les « petites histoires » reliant quelques éléments avec la « grande histoire », le cinéma, la médecine, etc. Juste un détail, le titre n’a pratiquement pas de rapport avec le contenu, l’alchimie n’apparaissant que très secondairement dans un chapitre sur les vingt-deux du livre ; le sous-titre est plus explicite. Quoi qu’il en soit, on prend beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage.