Jean-Marc Bonnet-Bidaud
(Belin, 2017, 192 p. 23€)
4 Juillet 1054. Deux heures avant le lever du Soleil, l’astronome impérial Yang Weide est à son poste sur la terrasse de l’observatoire de Kaifeng. Surprise : une étoile inconnue, et de loin plus brillante que toutes les autres s’est allumée dans la constellation du taureau à un degré au nord-ouest de l’étoile « Tianguan » (c’est-à-dire de ζ du taureau). Cette magnifique étoile nouvelle sera visible en plein jour pendant vingt-trois jours puis ira s’affaiblissant pour disparaître au bout de deux ans sans avoir changé de place dans le ciel. Grâce à toutes ces précisions notées et conservées avec soin, les astronomes modernes retrouveront la disparue dans la nébuleuse du crabe et son pulsar central – deux résidus de son explosion – et comprendront le phénomène de supernova et la mort des étoiles…
Longtemps ignorée ou sous-estimée, l’activité scientifique des astronomes chinois suscite l’admiration et mérite d’être mieux connue. Certes, jusqu’au XVIIe siècle, toutes les observations se font à l’œil nu, mais quelle minutie dans la description des phénomènes observés, quelle précision dans leur localisation, dans le temps comme dans l’espace, quel souci de conservation des archives ainsi constituées ! Tout cela fait que des trésors nous attendaient dans ces milliers d’archives, ainsi les passages successifs de la comète de Halley, dont celui de l’an 837, si proche que la queue de la comète atteignit 80° !… ou la liste des éclipses de Soleil et de Lune qui révéla un désaccord avec les reconstitutions calculées par les moyens modernes, désaccord croissant avec l’ancienneté de l’éclipse… jusqu’à ce que l’on comprenne que ce désaccord était le résultat d’un petit ralentissement progressif de la rotation terrestre sous l’effet des marées : la durée du jour augmente en moyenne de 1,8 milliseconde par siècle, ce qui nous donne plusieurs heures de décalage pour les éclipses de la dynastie Zhou il y a vingt-cinq siècles… ce qui a permis de constater que ce ralentissement n’était pas uniforme et avait de nombreuses variations.
La raison profonde de cette perfection tient à la nature de la civilisation chinoise : l’empereur est le « fils du ciel » chargé de maintenir l’harmonie entre le ciel et la terre; l’empire est soit « l’empire du milieu » soit « l’empire céleste »; les astronomes impériaux sont de très hauts dignitaires dont l’empereur requiert les conseils, mais malheur à celui qui se trompe : le châtiment suprême fut plusieurs fois appliqué !
Orné de nombreuses décorations : estampes anciennes, calendriers divers, documents de toutes sortes, instruments astronomiques des siècles passés enchâssés sur des dragons de bronze, photos modernes témoignant des progrès scientifiques de la Chine actuelle et de son rang de nation scientifique de premier plan – n’a-t-elle pas déposé sur la Lune le premier robot d’études depuis plus de trente ans –, ce livre nous instruit tout en procurant un plaisir merveilleux.