Mathieu Agelou, Gabriel Chardin, Jean Duprat, Alexandre Delaigue et Roland Lehoucq
(CNRS Editions, 2017, 208 p. 19€)
Eté 1950, la presse américaine rapporte de nombreuses observations de soucoupes volantes et le grand physicien Enrico Fermi se demande ce qu’il y a de sérieux derrière tout cela. Est-il vraiment possible qu’existent d’autres civilisations quelque part dans la Galaxie ? On estime (à l’époque) à plusieurs dizaines de milliards le nombre d’étoiles de la Galaxie, et si la moitié d’entre elles ont un système planétaire plus ou moins semblable au nôtre, il y a des chances que la vie s’y soit développée… Tous comptes et évaluations faits, Fermi expose alors son fameux paradoxe : « Si mes calculs sont exacts, les extraterrestres sont très nombreux et certains d’entre eux, bien en avance sur nous, devraient avoir débarqué ici depuis longtemps ! » et il conclut : « Où sont-ils ? ».
Mais l’analyse du paradoxe de Fermi se révèle d’une grande complexité, mêlant astronomie, exobiologie, histoire et évolution des civilisations, gestion des ressources… La fameuse « équation de Drake » est un catalogue de ces difficultés et l’on admire l’audace et la ténacité des astronomes des années soixante qui se sont lancés dans le programme SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) sur des bases aussi périlleuses.
Certes, depuis 1961, nos connaissances ont fait d’énormes progrès et plusieurs facteurs de l’équation de Drake sont maintenant évalués avec une précision honorable. Le nombre des exoplanètes connues était nul jusqu’en 1995, il dépasse 2000 vingt ans plus tard et permet une estimation sérieuse du nombre total des planètes dans notre galaxie. Cependant on ne peut en dire autant des facteurs concernant l’apparition de la vie ou le développement d’une civilisation. Les différents auteurs du livre analysé ici exposent leurs arguments opposés sans pouvoir conclure. L’apparition de la vie en tout endroit favorable semble avoir de grandes chances, mais le développement d’une civilisation ayant l’envie et les moyens de communiquer à des distances interstellaires fait l’objet d’un débat très serré ; serions-nous ce joueur de loterie qui n’a qu’une chance sur un million de gagner le gros lot et qui quand même le gagne ? Mais la contre-attaque des pessimistes met en avant le dernier facteur de l’équation de Drake, celui qui porte sur la durée d’une civilisation : si nous ne voyons ni n’entendons aucune civilisation extraterrestre, ne serait-ce pas plutôt parce qu’une telle civilisation technologiquement très développée consomme très vite toutes les ressources de sa planète et s’autodétruit ? Une analyse fine du paradoxe de Fermi est du plus haut intérêt pour nous éclairer sur notre propre avenir.