Ouvrage collectif de l’Institut Henri Poincaré (Paris)
(CNRS Editions, 2017, 192 p. 25€)
Une balle de ping-pong, un dé à jouer, une bouteille, les matheux y voient une sphère, un cube, un cylindre… Les objets mathématiques sont partout, dans l’arche d’un pont suspendu, dans le virage d’une autoroute (ce sont deux « spirales de Cornu » successives de sens opposé, on y tourne le volant à vitesse constante dans un sens puis dans l’autre…), dans tous les ouvrages onéreux, et donc soigneusement optimisés, que ce soit dans l’architecture, la construction navale, l’aéronautique (le dessin d’une aile d’avion s’inspire du « profil de Joukovsky ») ou même dans le design de tant d’objets usuels…
Mais les mathématiciens vont plus loin, leur imagination débordante est bien connue et gagne beaucoup à concrétiser tous ces concepts bi-dimensionnels, tri-dimensionnels, quadri-dimensionnels, multi-dimensionnels qui jaillissent de leurs études, d’où l’idée de ces modèles de bois, de plâtre, de métal, qui représentent tous les polyèdres réguliers puis semi-réguliers, les différents exemples de surfaces algébriques de degré deux (cône, cylindre, ellipsoïde, paraboloïde, hyperboloïde à une ou deux nappes…) de degré trois, de degré quatre, la pseudosphère, la surface de Kuen, celle de Kummer, le conoïde de Plücker, etc. Les surfaces « réglées », c’est-à-dire composées d’une infinité de droites, conduisent à de très élégants modèles de multiples fils tendus s’appuyant sur un contour approprié, et les innombrables et magnifiques images dont le livre est décoré ne donnent évidemment qu’une idée bien restreinte de la richesse des collections évoquées.
L’âge d’or de tous ces modèles est la fin du XIXe siècle et le début du XXe et l’on admire l’habilité de ces dessinateurs, ces ébénistes, ces soudeurs, ces fondeurs capables de concrétiser avec une précision époustouflante les rêves les plus fous des chercheurs mathématiciens. Mais n’allez pas croire que cette pratique soit aujourd’hui abandonnée, elle est simplement transformée, elle utilise tous les moyens modernes, depuis le bon vieux cinéma jusqu’à la modélisation 3D, en passant par toutes les possibilités offertes par l’informatique ; il devient dès lors très courant de dessiner sans effort une figure fractale de Mandelbrot ou d’utiliser le temps (aller et retour) comme quatrième dimension pour se promener autour des objets contenus dans les quatre dimensions… Une nouvelle forme d’art naît sous nos yeux !