Patrice Debré
Professeur émérite d’immunologie à Sorbonne Université, membre de l’Académie nationale de médecine
Depuis des siècles, la vaccination nous a appris qu’on pouvait enrayer les épidémies en luttant contre les microbes (exemple : la poliomyélite) et/ou leurs conséquences pathologiques (exemples : tétanos, diphtérie). Le succès n’est cependant pas toujours au rendez-vous. Doit-on douter d’un vaccin possible contre la Covid-19?
Il est clair que l’obtention d’un vaccin sûr et efficace reste une des meilleures formes de lutte contre l’épidémie.
Le 9 novembre 2020, le laboratoire américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech revendiquaient une efficacité de 90% pour leur candidat. Deux jours plus tard, l’Institut de recherche russe Gamaleya déclarait un taux d’efficacité de 92% pour son vaccin Spoutnik V. Ces deux annonces ont eu un effet médiatique retentissant mais les données préliminaires n’ont pas encore été étayées par des données scientifiques publiées et contrôlables.
Face à une compétition internationale scientifique exacerbée entre les firmes dont les candidats vaccins sont en phase III de développement (test de l’efficacité), il est nécessaire d’avoir un temps de réflexion :
- Le fait que la maladie puisse être contrôlée naturellement en parallèle à une réponse immunitaire fait penser que celle-ci est responsable d’un tel contrôle. La présence d’anticorps neutralisants est un message d’espoir pour penser que ce phénomène naturel peut être reproduit par un vaccin.
- Différents vaccins de première génération ont été développés par des platesformes et des méthodes différentes (protéines recombinantes, vecteurs viraux replicatifs ou non, ADN ou ARN messager, virus inactivé). Mais la comparaison entre les différents candidats vaccins est difficile car les études d’efficacité ont été conduites séparément et selon des critères différents.
- Un certain nombre de questions restent encore à clarifier :
– l’efficacité clinique en termes de morbidité et de mortalité, notamment chez les personnes âgées et celles atteintes de comorbidité, qui pourraient être les premiers bénéficiaires ;
– la durée de la protection induite par la vaccination et la nécessité d’un rappel ;
– l’impact épidémique, sachant l’importance des anticorps de nature IgA pour éviter la transmission et le fait que ceux-ci ne sont pas produits par les vaccins actuels. - Les contraintes imposées par le stockage, la distribution et l’administration de ces vaccins.
Cette prudence, ce doute méthodologique, doivent appeler à l’espoir. L’énorme mobilisation a conduit à des résultats prometteurs.
Pourtant la population continue de douter, non seulement de l’efficacité d’un vaccin, mais de son intérêt. Interrogée, près de 40% de la population n’accepterait pas de se faire vacciner même si les vaccins étaient disponibles.
Cela renvoie à l’Afas et à la nécessité de vulgariser la science, dont ici la science des vaccins.
Et renvoie aussi à la distinction entre le doute qui n’est que pur scepticisme et le doute raisonné qui, par la mise en œuvre de méthodes rigoureuses et l’obtention de résultats démontrés, construit pierre à pierre la connaissance et fait ainsi avancer la science.
La mise en évidence de cette distinction entre doute et doute est, elle aussi, au cœur de la mission de l’Afas.