Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France
Au mois de mars 2017, à Tokyo, un bébé âgé de 6 mois est mort après avoir ingéré du miel. Il s’agit du premier cas mortel de botulisme au Japon depuis 1986, les cas déclarés (une trentaine) ayant pu être traités. Le bébé avait reçu 2 fois par jour pendant un mois un jus de fruit sucré avec du miel, les parents méconnaissant ce risque de botulisme lié au miel.
Les cas mortels de botulisme infantile sont rares mais il peut s’agir de la forme la plus fréquente de cette maladie humaine[1] dans certains pays comme les Etats-Unis, où l’on observe en moyenne près de 110 cas par an (2419 cas sur la période 1976-2006). Par exemple, sur les 199 cas de botulisme confirmés et les 14 cas probables observés par le CDC d’Atlanta en 2015, 141 (soit 71%) étaient infantiles, la moyenne d’âge étant de 2,7 mois (on peut noter que cette moyenne d’âge coïncide avec celle de la mort subite des nouveau-nés). En France, le botulisme infantile est très rare (7 cas déclarés entre 1991 et 2009, 2 cas confirmés pour la période 2010-2012)[2, 3]. Cependant, suite à l’augmentation du nombre de cas de botulisme infantile depuis 2004, l’Anses [4] a rappelé « qu’il est absolument déconseillé de donner du miel, quelle que soit son origine, aux nourrissons de moins d’un an ».
Si le miel peut être incriminé dans environ 15% des cas américains, on ne connaît pas l’origine de la contamination par les spores pour les autres cas (contamination de l’aliment par le sol ou les poussières) alors qu’en Europe, on considère généralement que le botulisme infantile est lié principalement à la consommation de miel.
Le botulisme est rare mais potentiellement grave, d’où son inscription sur la liste des maladies à déclaration obligatoire en France. Il est justifié d’en connaître les symptômes pour mettre en place rapidement un traitement symptomatique et prévenir cette maladie, en particulier chez le nouveau-né.
L’enfant âgé de moins d’un an est particulièrement sensible s’il ingère des spores de Clostridium botulinum car son système immunitaire n’est pas encore suffisamment adapté pour le défendre. Les spores de C. botulinum peuvent ainsi se développer dans l’intestin et y produire la toxine botulique provoquant la maladie. Le symptôme le plus commun et le plus précoce du botulisme infantile est la constipation. D’autres symptômes décrivent un état de faiblesse générale : faible réflexe de succion, irritabilité, manque d’expression faciale, et perte de contrôle des mouvements de la tête. La paralysie du diaphragme peut toutefois entraîner des troubles respiratoires, nécessitant d’urgence une prise en charge médicalisée. La plupart des cas de botulisme infantile nécessite une hospitalisation très longue sous assistance respiratoire. Cependant, dans les pays occidentaux, les cas mortels sont extrêmement rares. Après l’âge d’un an, les défenses de l’enfant sont plus efficaces et lui permettent, par lui-même, d’éliminer les spores.
En conclusion, le risque de botulisme chez l’enfant âgé de moins d’un an n’est malheureusement pas assez connu et il est regrettable qu’il n’y ait pas une obligation d’avertissement pour ce danger sur les pots de miel, comme cela se fait dans certains pays en Europe du Nord.