Erik Orsenna
(Fayard, 2020, 414 p. 26€)
Avec l’ouvrage d’Erik Orsenna Cochons. Voyage aux pays du Vivant, nous sommes invités à effectuer un grand périple autour du monde et au cœur de l’unité du Vivant, en faisant d’abord plus ample connaissance avec le cochon, qui est, de tous les animaux non primates, le plus proche de l’Homme. En chemin, nous croisons aussi beaucoup d’autres animaux. Il s’agit d’un long voyage qui va de la Bretagne à la Chine, ou du roi Louis VI au prix Nobel Jules Hoffmann.
Humains, animaux, plantes : une est la vie, une est la santé. Il existe en effet de fortes interactions entre humains, autres animaux et environnement.
« Figurez-vous que la Terre n’est pas peuplée que d’humains. D’autres êtres, tout aussi vivants que nous, partagent cette copropriété (…). De tous les animaux, le cochon nous est le plus proche. Il nous accompagne depuis toujours. Nous adorons sa viande, et comme, génétiquement parlant, il nous ressemble comme personne, nous prélevons en lui des valves pour soigner nos cœurs défaillants et de l’insuline pour guérir notre diabète ».
Dans son ouvrage (articulé autour des chapitres suivants : 1. Une histoire commune, 2. La construction d’une industrie, 3. Un médecin malgré lui, 4. Les voyages du vivant, 5. Les formes de la révolte, 6. Un monde sans animaux, 7. Une planète d’associés), Erik Orsenna dresse un panorama très complet du monde animal, du monde médical, du domaine scientifique ou de notre environnement.
Le livre relate les rencontres de l’auteur avec de nombreux acteurs, principalement le secteur porcin mais aussi celui de la recherche ou de milieux très divers, d’où une multitude d’anecdotes. Il pouvait s’agir du milieu agro-alimentaire (Henaff, la Cooperl, Pierre Oteiza, qui a permis à l’auteur de décrire l’art de la fabrication d’un véritable jambon) ou de celui de la sélection des différentes espèces porcines (porcs élevés pour leur viande ou «mini-porcs» utilisés dans les laboratoires de recherche). Le milieu vétérinaire n’a pas été oublié et, grâce aux conseils de notre confrère Jean-Luc Angot, président de l’Académie vétérinaire de France en 2020, il a parfaitement décrit la menace de la peste porcine africaine qui est à nos frontières depuis 2018.
Visiblement l’auteur était aussi très proche des préoccupations d’actualité lors de la préparation de son ouvrage et on ne retrouve pas toujours uniquement l’espèce porcine dans certaines parties du livre. Les sujets sont foisonnants, qu’il s’agisse du problème des pandémies grippales ou de «la violence des poiriers et la rentabilité des hévéas». Le sujet de la Covid-19 fait l’objet de plusieurs pages et l’auteur passe ainsi facilement de l’espèce porcine à celle de la chauve-souris. Erik Orsenna dans sa «Petite contribution au portrait du mal français» dénonce le «scandale» de la lourdeur administrative, particulièrement du ministère de la Santé, refusant pendant plusieurs semaines l’aide proposée, dès mars 2020, par les laboratoires vétérinaires départementaux prêts à aider au diagnostic de la Covid-19.
Ecrit avec érudition, dans un style alerte et foisonnant caractéristique d’Erik Orsenna, cet ouvrage est passionnant et représente une véritable ode au Vivant.
Amoureux de la vie et particulièrement attaché aux plaisirs de la table, Erik Orsenna rend ici un bel hommage au cochon et aux êtres vivants en général et nous réconcilie avec un élevage parfois dénigré par certains du fait de son aspect souvent intensif.