Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, présidente honoraire de l’Académie vétérinaire de France
L’incroyable capacité des chauves-souris à servir de réservoirs de virus émergents sans en être affectées
Les chiroptères, plus communément appelés chauves-souris, seuls mammifères volants, constituent environ 20% de la diversité des mammifères et sont largement distribués dans le monde. Ils présentent une longévité de plusieurs dizaines d’années, inhabituelle pour des animaux de petite taille au métabolisme élevé. Depuis peu de décennies, on a pu découvrir que ces chauves-souris pouvaient héberger de nombreux virus dont certains ont été à l’origine de maladies émergentes chez l’Homme ou l’animal. Ces réservoirs naturels de virus présentent aussi la particularité de ne pas être affectés par les agents infectieux qu’ils hébergent. On a pu montrer que les chauves-souris étaient résistantes à des doses mortelles pour d’autres mammifères d’hénipavirus et de lyssavirus. Cependant on connaît mal les mécanismes responsables de la capacité des chauves-souris à coexister avec les virus. Leur adaptation au vol favoriserait une élévation de leur température corporelle permettant d’accroître l’efficacité de la réponse immunitaire. Cette coexistence entre virus et chauves-souris serait aussi liée à une réponse atténuée en interférons.
Lors de l’émergence d’une maladie virale impliquant des chauves-souris, le franchissement occasionnel de la barrière d’espèce de la chauve-souris à l’Homme ou l’animal fut souvent lié à une modification des écosystèmes largement liée à des activités humaines ayant permis de mettre en relation des espèces animales sauvages (chauve-souris ou hôtes intermédiaires) avec l’Homme ou certaines espèces animales domestiques alors qu’il n’existait que peu de contacts auparavant. C’est ainsi que les chauve-souris ont été les pourvoyeuses de maladies zoonotiques émergentes redoutables dont :
- les lyssavirus de la rage, dont les réservoirs animaux sont actuellement les chauves-souris et les carnivores, les chauves-souris constituant probablement le réservoir originel des lyssavirus ;
- les henipavirus : le virus Hendra, rencontré en Australie depuis 1994, responsable d’une affection heureusement rare car souvent mortelle de l’Homme et du cheval ; le virus Nipah, identifié en 1998 lors d’une épidémie affectant des fermes porcines présentant des troubles respiratoires en Malaisie mais aussi les personnes en contact avec les porcs (265 malades, dont 105 décès à la suite d’une encéphalite). C’est un peu plus tard que l’on découvrit que des chauve-souris frugivores (Pteropus sp.) étaient à l’origine de cette épidémie qui s’est étendue au Bangladesh en en Inde, notamment par la consommation de jus de palme contaminé.
- les filovirus : le virus de Marburg, décrit tout d’abord en Allemagne en 1967 à la suite de contaminations dans un laboratoire travaillant sur des cellules rénales de singes verts, puis découvert chez les chauves-souris et à l’origine de contaminations mortelles au Kenya à la suite de visites de grottes hébergeant des chauves-souris en 1980 ; le virus Ebola où le rôle réservoir de la chauve-souris fut démontré en 2005.
- certains coronavirus et plus spécifiquement des betacoronavirus, comme le virus du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) et celui du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers), puis celui de la Coronavirus disease 2019 ou Covid-19.
Origine des coronavirus
Les coronavirus sont des virus à ARN classés en Alphacoronavirus, Betacoronavirus, Gammacoronavirus et Deltacoronavirus. Leur nom vient de leur conformation, avec l’observation de spicules formant une sorte de couronne.
Les coronavirus semblent provenir des chauves-souris, et plus particulièrement les Alphacoronavirus et les Betacoronavirus (genre où l’on observe des zoonoses), ce qui explique le grand nombre de virus isolés dans ces espèces alors que les oiseaux seraient à l’origine des Gammacoronavirus et des Deltacoronavirus (fig. 1).
Le premier coronavirus identifié fut celui de la bronchite infectieuse aviaire, en 1931 aux Etats-Unis, alors que les premiers coronavirus n’ont été décrits chez l’Homme que dans les années soixante. Il s’agissait alors d’un rhume souvent banal. Depuis, de nombreux virus ont été isolés chez les mammifères et les oiseaux.
La plupart des Alphacoronavirus sont spécifiques d’espèce. Ils peuvent être responsables de maladies graves comme le coronavirus du chat, responsable de la péritonite infectieuse féline, ou la gastroentérite transmissible (GET) du porcelet. L’émergence, en 1984, du coronavirus respiratoire porcin semble avoir pour origine une modification du virus de la GET.
La GET est devenue plus rare, parallèlement à l’émergence d’un autre coronavirus (Swine acute diarrhea syndrome coronavirus ou Sads-CoV), responsable de la diarrhée épidémique porcine (DEP), surtout importante dans le Sud-Est asiatique depuis 2010. En 2017, une importante épidémie chez les porcelets permit de démontrer que le réservoir animal de cette DEP était vraisemblablement la chauve-souris.
Classification des principaux coronavirus rencontrés chez l’Homme et les animaux
Alphacoronavirus
Différents coronavirus humains
Virus de la gastroentérite transmissible du porcelet
Coronavirus entérique du chien
Virus de la péritonite infectieuse féline
Virus de la diarrhée épidémique porcine
Coronavirus respiratoire porcin (Sads-CoV)
Différents coronavirus de la chauve-souris
Betacoronavirus
Coronavirus du Sras (Sars-CoV)
Coronavirus du Mers (Mers-CoV)
Coronavirus de la Covid-19 (Sars-CoV2)
Virus de la sialodacryoadénite du rat
Virus hémagglutinant de l’encéphalomyélite porcine
Coronavirus bovin
Virus de l’hépatite de la souris
Différents coronavirus de la chauve-souris, dont le virus Bat-CoV RaTG13
Gammacoronavirus
Virus de la bronchite infectieuse aviaire
Virus de l’entérite transmissible de la dinde
Coronavirus du Beluga
Deltacoronavirus
Différents coronavirus aviaires
Le Sras fut responsable d’une épidémie sévère, de février à mai 2003, avec un taux de mortalité de 10%, tuant 774 personnes sur 8096 malades, surtout en Chine mais le Canada fut aussi très touché (avec 43 décès sur 251 malades). Il a fallu mettre en place d’importantes mesures de biosécurité pour assister à la fin de l’épidémie. Quand le Sras est arrivé à la mi-novembre 2002 dans la province du Guangdong, les cas n’ont pas été officiellement notifiés par crainte d’éventuelles retombées sociales ou économiques, permettant ainsi une large diffusion du virus. L’organisation mondiale de la santé (OMS) n’a été prévenue que le 11 février 2003…
Le Mers est apparu plus tard, en septembre 2012, et concerne principalement le Moyen-Orient, l’animal réservoir étant le dromadaire. A la fin de novembre 2019, 2494 cas ont été confirmés, dont 858 décès (soit un taux de mortalité de 34,4%). L’Arabie Saoudite a été le pays le plus touché avec 2102 cas, dont 780 décès (soit un taux de mortalité de 37,1%).
Alors que les premiers cas de Sras ont été observés en 2002 dans la province du Guangdong, il s’avère que la source géographique du virus semble être la province de Yunnan, ou le sud-ouest de la Chine, le principal réservoir animal étant vraisemblablement des chauves-souris fer à cheval (Rhinolophus sinicus). Une surveillance réalisée sur plus de cinq années sur ces chauves-souris dans une grotte de la province de Yunnan a permis de démontrer l’importante quantité de coronavirus pouvant être hébergés par ces chiroptères, dont certains proches du virus du Sras (Sars-CoV) et dénommés Sars-related coronavirus (Sarsr-CoV). Les scientifiques chinois soulignèrent même en 2017 que ces nouvelles informations sur l’origine et l’évolution du Sars-CoV mettaient en évidence la nécessité de se préparer à l’émergence future de maladies comme le Sras…
D’autres scientifiques américains avaient signalé dès 2015 le potentiel d’émergence des coronavirus présents dans les populations de chauves-souris, en particulier le coronavirus Shco14-CoV circulant couramment chez les chauves-souris fer à cheval du fait de sa réplication identique au Sars-CoV dans des cellules primaires de poumon humain. Ces mêmes scientifiques concluaient : « On ne sait pas si certains de ces coronavirus seront à l’origine d’un nouvelle épidémie mais il faut prévoir quand et comment s’y préparer pour y faire face »… Il était surtout évident pour ces scientifiques que la Chine représentait la zone à haut risque (le point chaud) d’où partirait l’épidémie.
La prédiction de ces scientifiques américains et chinois s’est réalisée avec l’apparition en décembre 2019 d’une pneumonie d’origine inconnue touchant 59 personnes dans la ville chinoise de Wuhan. Les personnes atteintes avaient surtout fréquenté le marché de fruits de mer de la ville où l’on vendait plusieurs animaux domestiques et sauvages, souvent vivants. Le 2 janvier 2020, ce marché fut fermé sans que l’on ait recherché l’origine de la contamination parmi les espèces animales vendues. Cette maladie émergente (dénommée Coronavirus disease 2019 ou Covid-19) est due à un coronavirus (Sars-CoV-2) où une autre chauve-souris fer à cheval (Rhinolophus affinis) est de nouveau incriminée en tant que réservoir. L’étude du génome du Sars-CoV-2 confirme qu’il s’agit d’un virus proche à 96,2% d’un coronavirus présent chez la chauve-souris (Sarsr-CoV;RaTG13), ce virus étant plus éloigné du virus du Sras (79%) ou de celui du Mers (50%).
Origine de la contamination par les coronavirus du Sras et de la Covid-19
On ne connaît pas l’origine exacte de la contamination humaine par le Sars-CoV-2 alors que l’on connaît le lien épidémiologique avec un marché aux animaux vivants sauvages ou domestiques, qui n’est pas sans rappeler l’origine du Sras également liée à un marché d’animaux vivants en Chine. La question n’est actuellement pas résolue et l’on ne peut que se baser sur les études réalisées sur le Sras-CoV. On peut regretter que des prélèvements n’aient pas été réalisés sur les animaux (en particulier les animaux sauvages) vendus vivants dans une grande proximité sur le marché de Wuhan malgré l’illégalité de leur vente avant la fermeture de ce marché.
On peut retenir trois hypothèses à l’origine du franchissement d’un coronavirus de la barrière d’espèce de la chauve-souris vers l’Homme (fig. 2) :
a) Virus mutant avec nécessité d’un hôte intermédiaire pour infecter l’Homme
Si l’on se rappelle l’épidémie du Sras, des civettes palmistes masquées (Paguma larvata) d’origine sauvage ou provenant de fermes d’élevage, vendues vivantes sur les marchés, furent rapidement incriminées en tant que réservoirs de l’agent pathogène du coronavirus et il s’ensuivit un abattage massif de ces petits Viverridae par mesure de précaution avant que l’on ne découvre que la chauve-souris était le réservoir principal du Sars-CoV. Il s’ensuivit que l’hypothèse que la civette avait été l’hôte intermédiaire contaminée par la chauve-souris puis ayant contaminé ultérieurement l’Homme.
D’autres espèces présentes sur les marchés d’animaux vivants se sont révélées porteuses du Sars-CoV sans être retenues en tant qu’hôtes intermédiaires à l’origine du Sras : le chien viverrin (Nyctereutes procyonoides), surtout recherché pour sa fourrure, et le blaireau furet (Melogale moschata) ainsi que les renards roux, les chats domestiques et les rats, ces espèces ayant pu avoir été contaminées par les civettes palmistes masquées, voire l’Homme sur les marchés (ou inversement).
Rappelons que d’autres animaux ont pu être infectés expérimentalement par le Sras-CoV : singes, chats et furets, souris, cobayes, hamsters.
Dans le cas de la Covid-19, le seul animal actuellement suspecté en tant qu’hôte intermédiaire potentiel entre la chauve-souris et l’Homme est le Pangolin (Manis pentadactyla et Manis javanica en Asie) mais les analyses métagénomiques permettant une telle suspicion nécessitent d’être confirmées. Le pangolin, de l’ordre des Pholidotes, vit dans les forêts en se nourrissant de termites et de fourmis. Cet animal sauvage est apprécié en Asie pour sa viande mais aussi pour ses écailles qui auraient des propriétés thérapeutiques en médecine traditionnelle asiatique. Il s’agit d’une espèce très braconnée dans le monde alors que la Convention internationale sur le commerce d’espèces sauvages menacées d’extinction (Cites) a voté en 2017 l’interdiction totale du commerce international des pangolins. L’avantage de la suspicion concernant le pangolin dans la Covid-19 sera un contrôle plus strict de son commerce, permettant de le protéger.
La possibilité d’un éventuel portage du Sars-CoV-2 par les animaux de compagnie a été évoquée lorsque l’on a découvert à Hong Kong, fin février 2020, un chien positif dont la propriétaire était malade. Le suivi de ce chien a permis de noter à plusieurs reprises un très faible taux de virus dans les premières voies respiratoires puis des résultats négatifs et l’absence d’anticorps sériques témoignant d’une infection transitoire et permettant de penser que la contamination s’est effectuée de la propriétaire vers le chien. Le chien est décédé deux jours après son retour de quarantaine chez sa propriétaire mais celle-ci a refusé une autopsie pour connaître la cause de ce décès. Il est vraisemblable que la mort du chien, de race Spitz nain (poméranien), très âgé (17 ans), a été causée par le stress de la quarantaine loin de sa propriétaire.
Un second chien de compagnie, de race berger allemand, dont le propriétaire était contaminé a été également découvert positif à plusieurs reprises et est en quarantaine à Hong Kong au 19 mars 2020. Comme le chien précédent, il ne présente aucun signe clinique. Un chien de la même résidence est aussi en quarantaine et sous surveillance bien que négatif. Le virus semble donc bien se transmettre aux chiens. Néanmoins, rien n’indique pour le moment que les chiens peuvent le transmettre à leur tour aux personnes non infectées ou à d’autres animaux rencontrés par exemple dans la rue. Il n’avait d’ailleurs jamais été observé que le Sars-CoV avait été transmis d’un animal de compagnie (chien ou chat) vers l’Homme mais il est justifié de respecter les mesures de biosécurité préconisées pour la Covid-19 en tenant compte aussi d’un portage viral possible par des animaux de compagnie lorsque leur propriétaire est contaminé.
b) Virus mutant infectant directement l’Homme
Mais le rôle d’hôte intermédiaire de la civette palmiste masquée reste hypothétique : si plusieurs cas de contamination humaine semblent avérés à partir de civettes palmistes masquées, dont certains cas bénins de Sras réapparus en 2004, il s’avère que des civettes palmistes masquées d’origine sauvage pouvaient être négatives, comme d’autres civettes dans des fermes d’élevage. Certaines civettes ont pu être contaminées dans les marchés d’animaux vivants ou dans les élevages souvent en surdensité animale, avec un mélange de diverses espèces animales.
Il s’agirait alors de la deuxième hypothèse, à savoir une contamination directe de l’Homme à partir de la chauve-souris, les civettes masquées ayant joué un rôle réservoir secondaire favorisant le maintien de l’infection animale et humaine dans les marchés d’animaux vivants. Cette hypothèse est plausible car une analyse phylogénétique a montré que les premières souches humaines du Sars-Cov étaient plus étroitement liées aux souches chauves-souris qu’aux souches civettes.
En Chine, les animaux sauvages et domestiques sont souvent vendus vivants sur les marchés (parfois abattus au moment de la vente). La promiscuité de ces différentes espèces peut favoriser des transferts inter-espèces et parfois une contamination à l’Homme. Cela a été démontré pour une autre maladie virale rencontrée en Chine : les cas humains dus au virus aviaire influenza H7N9 observés ont pu diminuer drastiquement en 2013 avec l’interdiction des marchés de volailles vivantes à l’origine des contaminations.
c) Adaptation ou recombinaison du virus permettant d’infecter directement l’Homme
La troisième hypothèse permet de suspecter une contamination directe de l’Homme à partir de la chauve-souris à la suite d’une recombinaison d’un Sarsr-CoV présent chez l’animal. La recombinaison pourrait avoir lieu au niveau de la protéine S (dénommée spike du fait de sa forme en pointe).
La plupart des chauves-souris hébergeant les Sarsr-CoV se retrouvent en Chine, surtout dans certaines zones rurales du sud de la Chine (province de Yunnan) où les habitations sont proches de grottes abritant des Chiroptères. Une étude sérologique montrant 2,7% de séropositivité chez 218 personnes vivant à proximité de ces grottes permet de suggérer la possibilité d’une contamination directe.
Les chauves-souris, consommées régulièrement, peuvent être vendues vivantes sur des marchés, favorisant ainsi les franchissements des barrières d’espèce, notamment vers l’Homme. Le risque est surtout plus élevé pour le chasseur manipulant les animaux, avec la possibilité de contact avec le sang ou la survenue de morsures, que pour l’acheteur. Les contacts fréquents entre l’Homme et des chauves-souris vivantes peuvent être aussi la conséquence d’un changement dans leurs écosystèmes naturels (changement climatique, déforestation, urbanisation…).
Une contamination par des animaux vendus sur le marché de Wuhan ayant été fortement suspectée dès le début de l’épidémie, ce marché a été fermé rapidement sans que des prélèvements aient été effectués sur les animaux vivants vendus alors que l’on connaissait le rôle important joué par ces marchés dans l’épidémie du Sras.
Comme tous les virus à ARN de manière générale, les coronavirus sont connus pour avoir un taux de mutation élevé pendant la réplication et sont sujets à la recombinaison si différents virus infectent le même individu. Les populations de chauves-souris hébergent plusieurs types de coronavirus (cercles blancs à contour bleu). Le Sars-CoV serait la conséquence d’une mutation au sein de l’hôte (cercle rouge) ayant permis de façon aléatoire et rare l’émergence d’une souche chez un nouvel hôte.
La première hypothèse (a) concerne un hôte intermédiaire comme la civette (souche civette) ayant permis ultérieurement la contamination humaine. Cependant les premières souches humaines du Sars-CoV étant plus étroitement liées aux souches chauves-souris qu’aux souches civettes, il est possible que la contamination humaine ait été directe à partir de la chauve-souris (hypothèse b), les civettes masquées ayant joué un rôle réservoir secondaire favorisant le maintien de l’infection animale et humaine dans les marchés d’animaux vivants. Une troisième hypothèse (c) est la présence de multiples virus proches du Sras n’ayant pas subi de mutation et hébergés par les chauves-souris. Une adaptation secondaire ou une recombinaison avec une protéine de pointe lui permettant de se lier aux récepteurs cellulaires humains (cercle de contour vert) peut favoriser une contamination directe de l’Homme.
Aspects cliniques et épidémiologiques de la Covid-19
Au début de l’apparition de la maladie en Chine, les symptômes observés, rappelant ceux d’une affection grippale avec de la toux et une hyperthermie, n’étaient pas identiques au Sras et les premiers cas de mortalité rapportés concernaient des personnes âgées et/ou atteintes d’autres affections sévères. Cela peut expliquer les premiers propos rassurants de l’OMS alors que les autorités chinoises mettaient en place des mesures de biosécurité particulièrement exceptionnelles (56 millions de personnes confinées dans la province de Hubei, interdiction du commerce d’animaux sauvages, interdiction de voyager, fermeture de la Cité interdite, de la Grande Muraille et des parcs Disney, importantes restrictions de circulation, construction d’hôpitaux dédiés en quelques jours, prolongement du congé du nouvel an chinois, etc.). Ce n’est que le 11 mars 2020 que l’OMS a déclaré qu’il s’agissait d’une pandémie (il s’agit de la première pandémie causée par un coronavirus).
Cependant le virus a pu se propager pendant plus de deux mois en Chine, voire dans d’autres pays, avant la mise en place des mesures de biosécurité drastiques décidées après le 23 janvier 2020, de nombreux déplacements de personnes ayant pu avoir lieu, en particulier avec les préparatifs du nouvel an chinois.
Le 20 mars 2020, la pandémie de Covid-19 a surtout concerné la Chine (81 250 infectés, dont 3253 décès) sur les 246 275 déclarés, l’Italie étant le second pays le plus touché (41 035 infectés et 3405 décès). La France est le septième pays touché (10 891 cas, dont 371 décès). Alors que le taux des nouveaux cas quotidiens diminue en Chine (le berceau de cette pandémie), les autres pays voient la maladie se propager, souvent de façon exponentielle car il n’y a pas eu un contrôle des voyageurs arrivant de Chine lors du début de l’épidémie, ce contrôle étant d’ailleurs particulièrement difficile du fait de cas asymptomatiques. Il est difficile de connaître maintenant le nombre exact de personnes réellement infectées car le virus circule maintenant dans le monde entier sans que des tests soient maintenant effectués sur toutes les personnes atteintes, en particulier chez les personnes présentant des symptômes discrets, d’autant plus qu’il est possible que certaines personnes infectées comme les jeunes enfants puissent être asymptomatiques.
Une étude chinoise sur 44 672 cas confirmés de Covid-19 (dont 1716 soignants) a permis de noter un taux de mortalité moyen de 2,3%, ce taux augmentant avec l’âge (8% entre 70 et 79 ans, 14,8% au-delà de 80 ans).
Selon une étude chinoise récente, qui reste à confirmer, portant sur 103 virus Sras-Cov-2, il existerait deux souches circulantes, L et S. La souche S (30% des échantillons) serait plus ancienne que la souche L (70% des échantillons), cette dernière pouvant être plus agressive et se propager rapidement.
Conclusion
Il y aura toujours des maladies émergentes. Une étude effectuée sur 335 maladies ayant émergé entre 1940 et 2008 a permis de noter que 60% d’entre elles étaient des zoonoses – c’est-à-dire pouvant infecter l’Homme et l’animal –, dont 72% dues à la faune sauvage. C’est pourquoi le concept «une seule santé» est mis en avant par de nombreuses organisations internationales reconnaissant les liens entre la santé humaine, la santé animale et l’environnement.
Lors d’une zoonose émergente, il importe aussi de connaître rapidement l’espèce animale qui en est à l’origine, ainsi que les autres espèces pouvant jouer le rôle de réservoirs potentiels ou d’hôtes intermédiaire, en collectant le plus rapidement possible des prélèvements appropriés, avant de pouvoir mettre en place rapidement des mesures efficaces de biosécurité.
La mise en évidence chez les Chiroptères de coronavirus pouvant provoquer deux épidémies comme le Sras à partir de 2002 puis le Covid-19 en 2019 doit nous amener à reconsidérer nos stratégies de prévention de ces endémies en évitant le risque de contamination par une cohabitation trop étroite avec les chauves-souris par modification de leur écosystème et leur consommation.
Il faut aussi éviter les possibilités de transfert de certains virus émergents vers l’Homme par le mélange de plusieurs espèces d’animaux sauvages ou domestiques vendus vivants ou non sur les marchés asiatiques, véritables chaudrons réservoirs de virus et centres d’amplification pour les infections émergentes. Il faut espérer que l’interdiction des marchés d’animaux vivants, et plus particulièrement d’animaux sauvages, sera maintenue avec rigueur en Chine. Cela impliquera une importante modification des habitudes alimentaires dans plusieurs régions chinoises.
Enfin, les répercussions médicales, économiques et médiatiques de la pandémie due à la Covid-19 démontrent l’importance à accorder à l’étude des coronavirus chez les Chiroptères, mais aussi à protéger ces espèces dont certaines sont insectivores et fort utiles dans la lutte contre les moustiques. L’important est de maintenir un écosystème favorable à tous, animaux sauvages ou domestiques et l’Homme.
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