Encéphalopathies spongiformes transmissibles animales. Bilan 2016 en Europe

Jeanne Brugère-Picoux

Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France
 
Encéphalopathies spongiformes transmissibles animales. Bilan 2016 en Europe

Dans un rapport de novembre 2017, l’Agence de sécurité alimentaire européenne (EFSA) présente les résultats de l’épidémiosurveillance des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) animales en Europe ainsi que des résultats du typage génétique chez les ovins [1].

Ainsi, en 2016 :

  • 1 352 585 bovins ont été testés dans l’Union européenne (5% de moins qu’en 2015). Si, la pour la première fois, le Royaume-Uni n’a signalé aucun cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la France a détecté un cas classique, né après l’interdiction totale des farines animales en 2001, et trois cas atypiques (H). Seule l’Espagne a aussi déclaré un cas atypique (H). Ces cinq cas ont été découverts à l’équarrissage.
  • 286 351 moutons et 110 832 chèvres ont été testés (respectivement 5% et 11% de moins qu’en 2015). La tremblante du mouton a été signalée par 20 États membres (685 cas) et la tremblante caprine par 9 États membres (634 cas). 25 cas de tremblante ovine ont été aussi signalés par l’Islande et la Norvège. La présence de la tremblante chez les petits ruminants reste stable, la tremblante classique (1175 cas) étant signalée plus fréquemment que la tremblante atypique (135 cas). Au total, 97,2% des cas de tremblante classique chez les ovins concernaient des génotypes appartenant au groupe sensible, et un échantillonnage aléatoire a montré que 26,6% des moutons testés possédaient des génotypes du groupe sensible (à l’exclusion de Chypre).
  • Seule la Norvège a signalé cinq cas de maladie du dépérissement chronique (MDC) chez des cervidés : trois chez des rennes sauvages et deux chez des orignaux. Rappelons que c’était la première fois que cette maladie était signalée en Europe. La recherche d’une MDC dans sept Etats membres (2712 cervidés testés, dont 90% en Roumanie) s’est révélée négative.
  • 490 animaux provenant d’autres espèces non ruminantes (principalement des chats) ont été testés dans quatre États membres différents, avec des résultats négatifs.

Ce rapport nous rappelle également les données épidémiologiques correspondant à la période 2001-2016 :

  • Environ 115 millions de bovins ont été testés pour l’ESB dans l’Union européenne, avec une diminution marquée du nombre d’animaux testés suite à des amendements au règlement sur les EST où les tests à l’abattoir ont été diminués (en particulier de 20% en France, en Allemagne et en Pologne). Ainsi, l’âge limite pour les tests à l’abattoir est passé de 30 à 48 mois en 2009, puis à 72 mois en 2011. En 2016, de nombreux pays de l’Union européenne ne testent plus les bovins à l’abattoir (la France teste les bovins nés avant le 1er janvier 2002). Ces tests ont été au contraire augmentés chez les bovins à risque (71% des échantillons testés en 2016). Comme le cas français de 2016, il y a eu 60 cas d’ESB classique nés après l’interdiction renforcée des farines en 2001 (superNAIF) pendant cette période (fig. 1).
  • A partir de 2002, environ 8,8 millions de petits ruminants ont été testés pour la tremblante dans l’Union européenne.
Fig. 1. Distribution géographique des cas d’ESB observés entre 2001 et 2016 : cas d’ESBc (A), cas superNAIFS d’ESBc (B), cas atypiques de type H (C), cas atypiques de type L (D).

Encéphalopathies spongiformes transmissibles animales. Bilan 2016 en Europe

Enfin ce rapport souligne les modalités de l’épidémiosurveillance de la tremblante chez les petits ruminants, notamment pour la recherche d’une éventuelle (et peu probable) souche d’ESB classique (rappelons qu’on n’a découvert cette souche qu’une seule fois chez une chèvre en France, à une période où une contamination par des farines animales était encore possible). Le rapport souligne l’importance du typage signalant la susceptibilité génétique des ovins à la tremblante où les ARR homozygotes sont considérés comme résistants (sauf dans les cas atypiques) [2].

 

Le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob

 
Rappelons que les cas primaires de variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) attribués à la consommation de produits bovins sont de 228 (dont 27 en France). A ces cas primaires, il faut ajouter trois cas secondaires d’origine iatrogène (produits sanguins), observés au Royaume-Uni. Enfin rappelons la possibilité d’une seconde vague du fait d’un nouveau cas de vMCJ signalé en 2017 chez un Britannique hétérozygote, alors que tous les cas de vMCJ observés jusqu’alors étaient homozygotes (avec une plus courte durée d’incubation de la maladie).

 

La maladie du dépérissement chronique (MDC)

 
Cette maladie représente surtout un problème chez les cervidés élevés ou sauvages en Amérique du Nord. Elle a été identifiée dans 24 Etats aux Etats-Unis, deux provinces canadiennes, en Corée du Sud et en Norvège. Le risque zoonotique lié à cette affection n’a jamais été démontré formellement mais des mesures de précaution sont recommandées. La propagation de la maladie semble liée à une contamination de l’environnement (comme pour la tremblante du mouton). Récemment, Kramm et al. [3] ont montré que, par des méthodes d’amplification (protein misfolding cyclic amplification ou PMCA), il était possible de détecter le prion dans le sang de cervidés infectés pendant la phase précoce asymptomatique de la maladie. Cette méthode de détection s’est révélée efficace à 100% chez les sujets malades, à 96% chez les chez les sujets asymptomatiques où le prion est présent dans les nœuds lymphatiques et le tissu cérébral, mais seulement à 53% chez les sujets en phase d’infection très précoce où le prion n’est retrouvé que dans les nœuds lymphatiques. Selon les auteurs, ce travail peut permettre d’espérer dans l’avenir un test sanguin permettant de détecter en routine les cervidés atteints de MDC pendant la phase d’incubation.

 

[1] The European Union summary report on surveillance for the presence of transmissible spongiform encephalopathies (TSE) in 2016. EFSA Journal, Volume 15, Issue 11 November 2017 e05069. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2017.5069/full
[2] Bien avant d’avoir signalé le premier cas « atypique » de tremblante en France (2e cas mondial) chez un mouton ARR/ARR en 2000, nous avons toujours considéré que cet aspect de lutte contre la tremblante par la sélection génétique pouvait être discutable. Sur le terrain, il avait toujours été observé que l’agent de la tremblante s’installait très progressivement dans les élevages après l’introduction d’un mouton infecté en s’adaptant à la nouvelle génétique du troupeau, comme le prouvait l’apparition très tardive de la maladie clinique puis la diminution progressive des périodes d’incubation.
[3] Kramm C et al. Detection of prions in blood of cervids at the asymptomatic stage of chronic wasting disease. www.nature.com/scientificreports (7:17241/DOI:10.1038/s41598-017-17-17090-x)