Etonnante chimie. Découvertes et promesses du XXIe siècle

Sous la direction de Claire-Marie Pradier

(CNRS Editions, 2021, 328 p. 22€)

 
Etonnante chimie (Dir. C.-M. Pradier, CNRS Ed.)En un temps où la croyance remplace souvent la connaissance et où la chimie est vilipendée par beaucoup, il est précieux de publier un livre montrant l’importance et les réalisations actuelles de cette science. La chimie, science de la transformation de la matière, et l’industrie chimique, mère de toutes les industries, sont mal connues et, en France, tout ce qui est chimique est mauvais et tout ce qui est naturel est bon. Ce schéma simpliste est véhiculé par les médias généralistes, qui oublient que la chimie est un acteur majeur de l’industrie française. Cela dit, ce qui est qualifié d’industriel a aussi mauvaise réputation !

Le livre est structuré en six parties, dont les divers éléments sont rédigés par quelques dizaines de scientifiques enthousiastes. Le tout est coordonné par Francis Teyssandier et Olivier Parisel, sous la direction de Claire-Marie Pradier.

La première partie intitulée «Voyage dans le temps et dans l’espace» donne l’impression, au début, d’un inventaire à la Prévert. On se promène dans l’exobiologie, dans les parfums, on y rencontre Marie-Anne Paulze, Jean-Baptiste Dumas et Alexandre Borodine. Enfin Bernadette Bensaude-Vincent y montre les causes de l’enthousiasme, de la crainte et du rejet que la chimie inspire en ce moment. Malgré la sensation de passer du coq à l’âne, ce chapitre est très agréable à lire et tient en haleine avec la diversité de son récit. Les parties suivantes sont plus homogènes.

La deuxième partie concerne l’importance de la chimie dans l’environnement. On y rencontre la chimie des plantes, celle présente dans les océans et dans les nuages, mais aussi des solutions d’avenir comme le dessalement de l’eau de mer, la photosynthèse artificielle et la valorisation des déchets.

La troisième partie, elle aussi d’actualité, concerne la création et le stockage de l’énergie. On y rappelle que l’électricité fournie par les batteries est d’abord une énergie chimique, puis on étudie le stockage de l’énergie et on nous vante les supercondensateurs. La chimie permet aussi la production d’électricité grâce à l’hydrogène et à la pile à combustible, au photovoltaïque, mais aussi à la thermoélectricité.. Le chapitre se termine par l’étude des ergols, qui permettent de lancer les satellites et de modifier leurs orbites. On y rencontre aussi la personnalité mal connue de Joseph Louis Proust et ses recherches en tant que chimiste.

Le quatrième chapitre est intitulé «Modeler et ciseler la matière». Après avoir vu les relations entre la modélisation de la chimie et les supercalculateurs, on essaye de visualiser les molécules pour mieux les étudier. Les mystères de la réaction de Grignard sont évoqués puis on va dans l’espace regarder l’influence de la pesanteur sur l’évolution de la matière. Au milieu de cette partie, un article sur Angela Merkel démontre, s’il en est besoin, que son niveau scientifique lui permet d’appréhender et de comprendre, mieux que beaucoup d’autres, les problèmes souvent technologiques qui défient nos sociétés. On passe ensuite aux alliages à mémoire de forme et à deux aspects des matériaux nanoporeux.

La cinquième partie aborde naturellement la relation entre la santé et la chimie, sans toutefois s’appesantir sur les médicaments. On y trouve l’étude de l’air expiré, la nature des produits pour l’imagerie et les progrès des médicaments pour la maladie d’Alzheimer. On voit ensuite les nanomédicaments, la microfluidique et la chemo-informatique. Comme dans les parties précédentes, on rend visite à de grands scientifiques : Irène Joliot-Curie et Pierre Potier. Le chapitre se termine par l’apport de l’impression 3D.

La dernière partie concerne la chimie au quotidien. Après avoir vu la chimie du vin et la cause du goût de bouchon, on étudie l’importance de cette science dans la cosmétique. La fabrication de polymères singeant la nature est ensuite abordée, puis on découvre les nouveaux produits fluorescents qui aident la police scientifique. Dans cette partie, on rend hommage à deux scientifiques : Primo Levi et Michel-Eugène Chevreul. Le texte se termine par la relation entre la chimie et la cuisine.

Ce livre est donc bienvenu dans un pays où la science, et en particulier la chimie, n’ont pas dans l’esprit de nos concitoyens la place qu’elles méritent. Facilement abordable, il devrait être lu, au moins et entre autres, par tous ceux qui pensent que l’adjectif chimique veut dire toxique et dangereux, ce qui, en France devrait assurer quelques millions de lecteurs !