Christian Amatore
Membre de l’Académie des sciences
Il ne peut être contesté que nous vivions une période où les conséquences de ce qu’il est convenu de désigner par réchauffement climatique ne peuvent être réfutées. Cela encourage certains à marteler à l’envi des messages anxiogènes dignes de ceux qui avaient cours juste avant l’an mille… On nous annonçait ainsi en 2019 que plusieurs milliards de personnes allaient mourir si nous ne mettions pas urgemment en place une stricte décroissance économique afin de stopper les émissions de gaz à effet de serre. Comme si cela ne suffisait pas, en mai dernier en pleine pandémie Covid-19, Nicolas Hulot affirmait dans une interview péremptoire publiée par Le Monde que l’apparition de ce virus était liée au changement climatique et à la globalisation de nos économies (sic). L’occasion faisant le larron, d’autres «catastrophistes» ont emboîté le pas : après le VIH, l’Ebola, le Zika, etc., le virus Sars-CoV-2 ne serait qu’une nouvelle incarnation de l’arsenal d’armes biologiques lancées par notre planète sur notre espèce pour se protéger. On appréciera volontiers ce tour de force idéologique renouvelant et corrigeant le mythe de Gaïa et celui d’une nature idéalisée à la lumière d’un langage pseudoscientifique moderne afin de créer un climat anxiogène, comme savaient si bien le faire au XIe siècle les prêcheurs millénaristes qui voyaient dans l’apparition d’une comète ou d’une éclipse de Soleil l’annonce du déchaînement de Satan sur terre et de la fin de l’humanité.
Les signes de cette soi-disant apocalypse, révélés à l’envi sur les médias officiels et amplifiés sur les réseaux «sociaux» et «alternatifs», sont censés nous terrifier et nous exhorter à la pénitence et à l’auto-flagellation. En prêchant la peur tout en engendrant un sentiment de culpabilité sans rédemption, ce discours se propage d’autant plus facilement que la plupart de nos concitoyens sont de plus en plus ignorants des faits scientifiques de base et se laissent ainsi entraîner par leurs impulsions spirituelles naturelles. La science et les scientifiques ne sont pas plus audibles aujourd’hui que ne l’étaient au Moyen Age les théologiens qui essayaient de faire entendre raison aux fidèles terrorisés et culpabilisés par les «lanceurs d’alerte de l’époque» qui, comme le moine Raoul Galber, prévoyaient «que quelque lamentable plaie allait s’abattre sur le genre humain [… à moins que] le monde lui-même se fut secoué et, dépouillant sa vétusté, ait revêtu de toutes parts une blanche robe d’église». On croirait entendre le discours de Greta Thunberg et de ses partisans. Pourquoi changer les recettes qui ont fait leurs preuves !
Néanmoins, quoi qu’en disent ces nouveaux prédicateurs médiatiques, le contraire est bien visible pour ceux qui veulent bien regarder la réalité. Même dans les pays défavorisés, les décès dus aux conditions climatiques et aux évènements météorologiques extrêmes ont diminué de 80% au cours des quatre dernières décennies. Depuis plus d’une décennie, les flux d’émission de CO2 ont baissé dans la plupart des pays, y compris aux Etats-Unis (et cela même sous l’ère Trump, en particulier grâce aux gaz de schiste dont la teneur en carbone est bien plus faible que celle du charbon et même que celle du fioul), et en Chine (d’ailleurs surtout grâce au nucléaire). La France est comparativement très vertueuse, et cela même vis-à-vis de ses voisins de l’Union européenne que l’on met pourtant en exergue, même lorsque des visées électoralistes les ont amenés à remplacer leurs centrales nucléaires par des centrales à lignite dont le bilan CO2 est bien plus désastreux que celui des centrales à charbon. Etonnamment, nos prêcheurs «catastrophistes» sont les mêmes qui s’opposent simultanément aux solutions qui permettraient de diminuer notre empreinte carbone pour favoriser de fausses solutions qui, de fait, sont globalement plus génératrices de gaz à effet de serre que notre parc énergétique actuel et qui, de plus, placeraient la France dans une situation de dépendance technologique extrême vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine. Néanmoins, on continue à entretenir un malaise chez nos concitoyens, et on encourage le dépôt de plaintes en justice pour «inaction climatique» ou «crimes écocides» (sic) !
C’est dans ce contexte qu’il faut se féliciter de la parution de l’ouvrage Halte au catastrophisme ! [1] publié en octobre dernier par Marc Fontecave, membre de l’Académie des sciences et professeur au Collège de France, où ses recherches portent sur des approches bio-inspirées sur la réduction du CO2 par photosynthèse artificielle ou de l’eau en hydrogène. C’est un livre qui fait non seulement du bien en rectifiant de façon claire et précise ces messages anxiogènes mais offre simultanément une mine de données factuelles très récentes sur l’évolution présente et future de la transition énergétique en cours dans notre pays. On y apprend en particulier que les «empreintes carbone» des différentes solutions énergétiques ne sont pas celles que l’on nous vante continûment en passant sous silence leurs coûts énergétiques de construction et de fabrication, ou leur coût écologique souvent catastrophique : sans aimants hyperpuissants à terres rares, peu ou pas d’éoliennes de puissance ; sans lithium, pas de batteries ; sans hautes énergies, pas de silicium ; etc.
Cet ouvrage apporte un éclairage scientifique et technologique rigoureux sur les questions de l’énergie, en prenant simultanément en compte, sans en négliger aucun, tous les problèmes posés à nos sociétés (changement climatique, environnement, santé, indépendance économique, géopolitique, modèles de développement) afin de contribuer à installer les bases d’un débat rationnel. Marc Fontecave maîtrise parfaitement tous ces champs puisqu’au-delà de ses compétences acquises au sein de son laboratoire, il préside le Comité de prospective en énergie de l’Académie des sciences, où il développe avec ses confères une réflexion scientifique et technologique sur l’énergie en prenant la pleine mesure des défis à relever pour participer de la manière la plus rigoureuse possible à un débat fondamental sur l’énergie et la transition énergétique afin de rendre plus efficace la lutte contre le changement climatique, autrement que par des incantations vides de substance décidées lors de grands-messes mondiales. Des décisions politiques réellement efficaces et réalistes doivent nécessairement être prises afin de contenir les conséquences négatives du changement climatique. Cependant, elles ne pourront l’être en continuant à écarter les compétences scientifiques et technologiques et en négligeant les avis de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques pour ne se soucier que de ceux de nos «lanceurs d’alerte» ou d’arrêts de justice sur l’«inaction climatique» et les «crimes écocides», quand ce n’est pas en demandant à 150 Français-es tiré-e-s au sort de formuler leurs recommandations au sein d’une Convention citoyenne pour le climat…
Il eût été certainement bien plus efficace et beaucoup moins coûteux d’offrir à chaque membre du Gouvernement et du Parlement un exemplaire du livre de Marc Fontecave !