La course aux supercalculateurs

Alain Foucault

Professeur émérite du Muséum national d’histoire naturelle (Paris)
 

La course aux supercalculateurs

On sait que les ordinateurs ne peuvent manipuler que des 0 et des 1. Avec cela il faut se débrouiller pour faire des calculs. En alignant suffisamment de 0 et de 1, on voit que l’on peut aisément faire des opérations sur des nombres entiers. Mais cela évidemment ne suffit pas pour les besoins habituels où l’on doit utiliser des nombres réels comportant une virgule. Pour pouvoir représenter une grande étendue de ces nombres dans une machine, on les représente en deux parties : l’une contient une valeur entière représentant les chiffres significatifs du nombre (c’est la mantisse) et l’autre, un exposant qui fixe, en fait, la place de la virgule. C’est comme si l’on écrivait, par exemple, le nombre 12,345 sous la forme 12345×10-3. On voit que si l’on fait des opérations sous cette forme, on est souvent amené à changer l’exposant, et tout se passe comme si la virgule changeait de place. C’est pourquoi, en informatique, on dit que ces opérations sont en virgule flottante, et comme elles sont à la base des calculs, on mesure la vitesse de calcul d’un ordinateur par le nombre d’opérations en virgule flottante qu’il peut exécuter par seconde. On désigne cette unité sous le nom de flops (abréviation de l’anglais floating-point operation per second).

Les grands calculateurs atteignent aujourd’hui des vitesses de calcul effarantes qui se mesurent en pétaflops, soit 1015 flops (millions de milliards de flops). La possession de telles machines, pour des raisons scientifiques mais aussi économiques et militaires, est l’objet d’une concurrence acharnée entre les grandes puissances, notamment les Etats-Unis, la Chine, le Japon et l’Europe.

Les Etats-Unis ont mené longtemps la course en tête avec, en 2012, Titan (17,6 pétaflops). Ils ont été très vite distancés par la Chine avec, en 2013, le Tianhe-2 (33,9 pétaflops), puis, en 2016, le Sunway TaihuLight (93 pétaflops). La réplique américaine s’est fait un peu attendre, mais devrait leur redonner cette année la tête de file avec le Summit (200 pétaflops). Ce ne sera pas pour longtemps puisque la Chine annonce qu’elle mettra au point en 2020 un calculateur encore plus puissant, pour lequel il faudra abandonner les mesures en pétaflops pour entrer dans le champ des exaflops (soit 1000 pétaflops). En riposte, les Américains promettent d’entrer dans ce champ en 2021, et les Européens visent la même performance. A quand les zettaflops (1000 exaflops) ?

 

Pour en savoir plus : Science, 359 (6376) du 9 février 2018, p. 617.