Luc Ferry
(Plon, 2016, 216 p. 17,90 €)
Le livre de Luc Ferry n’est à proprement parler ni un livre scientifique ni un livre sur la science. La présente analyse a-t-elle donc sa place ici ? Je pense que oui car un tel livre oblige à s’interroger sur l’usage que nous faisons des avancées de la connaissance scientifique et des développements techniques qui en résultent.
Le titre est : La révolution transhumaniste. Le sous-titre : Comment la technomédecine et l’uberisation du monde vont bouleverser nos vies. Il s’agit d’un cri d’alarme. Luc Ferry veut attirer l’attention, d’abord la nôtre, citoyens ordinaires, ensuite et surtout celle de nos dirigeants sur ce qui est train de se passer. Il pousse ce cri d’alarme car il sait bien et il voit bien que, face à cette extraordinaire révolution, lourde de tous les dangers, nous sommes, et nos politiques sont, aveugles et sourds.
Quels dangers ?
Citons-en un, le plus central. Dans le cadre d’initiatives privées ayant pour postulat que l’intelligence artificielle va – et très bientôt – surpasser l’intelligence humaine, des milliards et des milliards de dollars sont dépensés chaque année afin d’inventer un homme transhumain ou posthumain aux capacités physiques et intellectuelles décuplées. Est-ce merveilleux ou est-ce l’horreur devenant réalité du poème de l’apprenti-sorcier ?
Comment savoir ? Comment faire pour savoir ? Comment savoir quoi penser et quoi faire ?
Ça va si vite, les nouveautés sont si nombreuses, leur attrait si fort, leur complexité pour celui qui veut comprendre si grande… qu’on en a la tête qui tourne, qu’on ne voit guère comment réagir.
Luc Ferry dénonce ceux qu’il nomme « solutionnistes » car ils sont convaincus qu’aux problèmes que la science et la technique créent, la science et la technique trouveront toujours une solution.
Il dénonce les trop pessimistes, qu’il assimile aux réactionnaires, et il dénonce les trop optimistes, qui ne cherchent pas à savoir.
Il plaide pour une prise de conscience aussi générale que possible, pour une réflexion aussi courageuse et objective que possible, et enfin pour la mise en place d’une régulation internationale.
En bon héritier de la « juste mesure » qui nous vient de la philosophie grecque, il fonde beaucoup d’espoir en elle et souhaite manifestement qu’elle inspire nos politiques.
Mais ne pèche-t-il pas là lui-même par optimisme ? Car qui définira une telle régulation ? Car qui la mettra en œuvre ? Car qui contrôlera sa mise en œuvre ?
On quitte ici le domaine de la critique pour celui de la polémique, sinon celui de la croyance. Mais comment en serait-il autrement ? Le sujet est grave. On peut souhaiter une chose : que tous lisent ce livre, ou d’autres ouvrages traitant de la question, et que chacun se fasse son opinion. Car c’est de l’homme qu’il s’agit, rien de moins, de l’idée que nous autres humains nous nous faisons de ce que nous sommes…