Pierre Laffitte
(Presse des Mines, 2021, 287 p. 25€)
Pierre Laffitte, le père de Sophia Antipolis et un ingénieur au Sénat
Pierre Laffitte est né en 1925 à Saint-Paul-de-Vence. Si son père était un artiste peintre, on trouve nombre d’ingénieurs dans sa généalogie. Il en est ainsi d’un ingénieur des mines qui a travaillé avec Georges Claude, d’un X-Mines, d’un ingénieur du corps des poudres et d’un ingénieur des ponts et chaussées. Après une scolarité primaire marquée par Célestin Freinet, il poursuit ses études au lycée Masséna de Nice. Mention très bien au baccalauréat, premier prix au concours général de mathématiques, il entre second à Polytechnique en 1945, suivant le même chemin que ses aïeux. Là, il suit, entre autres, les cours de Louis Leprince-Ringuet. Il s’y retrouve même en prison, pour avoir fait le mur, y rejoignant un certain Valéry Giscard d’Estaing qui y est pour la même raison ! A sa sortie de l’X en 1948, son rang lui permet d’entrer dans le corps des mines.
A sa sortie de l’Ecole, Pierre Laffitte est affecté au service de la carte géologique de la France. On le charge ensuite de transformer le Bureau de recherches géologiques et géophysiques (BRGG) en établissement public industriel et commercial (EPIC). Le BRGG devient alors le BRGGM où le M correspond à minières. A partir de 1958, on regroupe les organismes de recherches géologiques et minières pour créer l’actuel BRGM. Pierre Laffitte devient le directeur de l’un de ses sous-ensembles et est reconduit dans ses fonctions de responsable du service géologique national.
En 1963, il devient directeur de la recherche et de la formation des ingénieurs du corps des mines à l’Ecole des mines de Paris. En 1967 il y crée ARMINES, association privée de recherches contractuelles en France, équivalent aux instituts Fraunhofer allemands. C’est à cette époque qu’il initie la Conférence des grandes écoles pour contrebalancer la Conférence des présidents d’universités.
Au printemps 1968, Pierre Laffitte constate l’échec de la délocalisation d’une nouvelle université dans une zone isolée, mal desservie par les transports en commun : l’université de Nanterre voit le jour, elle sera le lieu des premiers désordres de 1968. Constatant par ailleurs que le Quartier latin ne pouvait plus héberger de nouvelles écoles ou d’universités, il imagine créer un «quartier latin aux champs», lieu de «fertilisation croisée» et d’innovation réunissant universités, centres de recherche et entreprises, situé dans un lieu ne manquant pas d’espace et bien desservi. Après avoir tenté l’aventure autour de l’Ecole polytechnique (qui s’installait à Saclay) et à Orléans, il décide d’installer sa technopole sur le plateau de Valbonne dans le sud de la France. Il crée pour ce faire l’association Sophia Antipolis et, en 1970, le GIE SAVALOR, groupement d’intérêt économique qui sera la structure opérationnelle du futur parc. Par la suite, en 1984, il crée la Fondation Sophia Antipolis, qui prend la responsabilité de l’animation et de la promotion de la technopole. Actuellement, Sophia Antipolis est la première technopole d’Europe et comporte 2500 entreprises, 38 000 salariés, 4500 chercheurs et 55 000 étudiants.
Parallèlement, en 1971, Pierre Laffitte devient suppléant du sénateur des Alpes-Maritimes, Francis Palmero, qu’il remplace à cette fonction à son décès en 1985. Au gré des réélections, il restera sénateur jusqu’en 2008. Là, en tant qu’ingénieur, il va piloter ou participer à de très nombreux rapports sénatoriaux : sur l’avenir des télécommunications, la télévision éducative, l’intérêt du véhicule électrique, les réseaux grands débits, la culture scientifique, les apports de la science et de la technologie au développement durable, la réhabilitation de la science…
En 2009, le Président Sarkozy va lui demander de développer l’innovation dans l’espace euro-méditerranéen dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.
Outre ses passions pour la science et la technologie, Pierre Laffitte, depuis son enfance, aime la nature et son village de Saint-Paul, ce qui l’a conduit à créer une association pour faire renaître une culture vinicole oubliée : les vins des Baous.
Pierre Laffitte est décédé le 7 juillet 2021, trois semaines après avoir terminé ses mémoires, qui ont été publiées aux Presses des Mines sous le titre L’action est la sœur du rêve.
Pour terminer, citons-en un extrait : «En cette période troublée, je déplore que dominent des croyances, des avis dénués de tout esprit critique ou des analyses erronées. Que des pensées complotistes alimentées par des «fake news» abondamment relayées par les réseaux sociaux discréditent tout débat solidement étayé par une culture scientifique et technique solide. L’ultracrépidarianisme, tendance de certaines personnes à s’exprimer sur des sujets qu’elles ne connaissent pas, est manifestement en expansion, non seulement à la télévision, mais sur les réseaux sociaux.»
En sa mémoire, l’Ecole des mines de Paris a donné son nom au campus sophipolitain de l’Ecole.