Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, présidente honoraire de l’Académie vétérinaire de France
Le virus de l’hépatite E (VHE) est la cause la plus fréquente d’hépatite virale aiguë diagnostiquée en Angleterre et l’estimation annuelle des infections est de 100 000 à 150 000. Une augmentation des cas d’hépatite E a été observée au Royaume-Uni de 2010 à 2016 avec 1212 cas signalés en 2015, 1243 en 2016, 1002 en 2018 et 1202 en 2019. Cette augmentation est aussi observée dans toute l’Europe : dans Espace économique européen, une enquête réalisée dans vingt pays surveillant le VHE a permis de noter une augmentation du nombre de cas signalés de 514 cas en 2005 à 5617 en 2015. Les hospitalisations sont passées de moins de 100 en 2005 à plus de 1100 en 2015 (dont 28 cas mortels pendant l’enquête) [1].
Selon un article publié en juin 2921 par Smith et al. [2] dans la revue du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) d’Atlanta et reprise dans Food Safety News du 12 mai 2021 [3], une étude cas-témoins a permis de rechercher les facteurs de risque d’une infection acquise par le VHE chez les donneurs de sang au Royaume-Uni pendant la période 2018-2019. Cette étude cas-témoins a été réalisée chez des donneurs de sang (117 positifs et 564 négatifs pour l’ARN du VHE) d’avril 2018 à mars 2019. Sur les 117 donneurs positifs, 76 ont été asymptomatiques. Les symptômes rapportés chez les 47 autres personnes positives ont été une fatigue, des douleurs articulaires et une migraine, après une période d’incubation estimée de deux à neuf semaines. Aucun végétarien n’a été positif.
Sur 19 aliments étudiés, 14 ont été associés significativement à une infection par le VHE, en particulier le bacon, les charcuteries comme le salami et le Kabanos (saucisse polonaise fumée) ou le foie de porc.
Ce n’est pas la première fois que l’on signale un risque d’hépatite E lié à des produits de charcuterie insuffisamment cuits (en France, on avait surtout alerté sur le risque lié aux figatelli corses, riches en foie de porc) mais il s’agit de la première étude signalant un risque lié à la consommation de bacon (s’il n’est pas cuit) et à une charcuterie composée de viande séchée.
Enfin, les auteurs rappellent que le VHE circulant chez les porcs au Royaume-Uni était surtout un génotype 3-clade 1 (G3 efg) alors que l’augmentation des cas aigus de VHE en Angleterre en 2010 a coïncidé avec l’émergence d’un nouveau génotype G3-clade 2 (G3 abcdhij) [4]. Ce nouveau génotype isolé en Angleterre chez l’Homme serait la conséquence de la consommation de produits d’origine porcine importés au Royaume-Uni.
Cette étude démontre l’importance d’une surveillance des cas de VHE chez l’Homme en Europe mais surtout de mettre en place des méthodes standards de contrôle de ce virus dans les élevages porcins et les produits de charcuterie car c’est à la source qu’il faut cibler pour éviter une transmission d’origine alimentaire à l’Homme.
[2] Smith, I., Said B.., Vaughan, A., Haywood, B., Ijaz, S., Reynolds C., Morgan, D. Case–Control Study of Risk Factors for Acquired Hepatitis E Virus Infections in Blood Donors, United Kingdom, 2018–2019. Emerging Infectious Diseases, 2021, 27(6), 1654-1661. https://doi.org/10.3201/eid2706.203964.
[3] https://www.foodsafetynews.com/2021/05/study-shows-bacon-cured-pork-are-risk-factors-for-hepatitis-e/
[4] Said B., Usdin M., Warburton F., Ijaz S., Tedder R.S., Morgan D. Pork Products Associated with Human Infection Caused by an Emerging Phylotype of Hepatitis E virus in England and Wales. Epidemiol Infect. , 2017, 145:2417–23. DOIExternal LinkPubMedExternal Link.
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