Alain Delacroix
Professeur honoraire, chaire «Chimie industrielle – Génie des procédés» du Conservatoire national des arts et métiers
La France, qui, comme chacun sait, n’a pas de pétrole (ou si peu), aurait une énorme quantité d’hydrogène dans son sous-sol. Un gisement très important a été découvert en Lorraine et plusieurs régions seraient susceptible d’en receler. De ce fait, la France a inclus en 2022 l’hydrogène natif dans le Code minier. Le 3 décembre 2023 a été accordé le premier permis de recherche et cela suscite de grands espoirs car l’hydrogène pourrait être un important vecteur d’énergie dans l’avenir.
Il y a plusieurs façons d’obtenir de l’hydrogène et l’on a accordé à chacune une couleur. Il peut être noir, gris, bleu, vert, jaune ou blanc. On en produit en France plus de 900 000 tonnes, qui servent majoritairement au raffinage des produits pétroliers (environ 60%), à la synthèse de l’ammoniac pour fabriquer des engrais (environ 25%), le reste étant utilisé, entre autres, par la chimie. Actuellement, sa production provient à plus de 90% du charbon, du gaz naturel et des hydrocarbures et est donc très émettrice de CO2.
L’hydrogène noir
Il est produit selon la réaction simplifiée :
C + H2O → H2 + CO, où C provient du charbon.
On peut pousser cette réaction si l’on veut maximiser l’hydrogène en utilisant la réaction du gaz à l’eau :
CO + H2O → CO2 + H2
On constate une production importante de CO2 par mole d’hydrogène. Ce procédé de gazéification du charbon est très ancien et on a utilisé le mélange CO, H2, dit gaz de synthèse, pour fabriquer des hydrocarbures par la réaction de Fischer-Tropsch. L’Allemagne et le Japon ont largement utilisé ce procédé pendant la seconde guerre mondiale ainsi que l’Afrique du Sud pendant l’apartheid. Un des gazéifieur les plus connu est le LURGI conçu en Allemagne dans les années trente.
L’hydrogène gris
Il est fabriqué à partir d’hydrocarbures et en particulier le méthane selon la réaction :
CH4 + H2O → CO + 3H2
On peut aussi pousser vers l’hydrogène en utilisant comme précédemment la réaction du gaz à l’eau. On constate qu’on produit plus d’hydrogène par carbone qu’en utilisant le charbon. Si le CO2 est capté pour être utilisé ou stocké en profondeur, l’hydrogène obtenu devient bleu.
L’hydrogène vert
Il est produit par électrolyse de l’eau à condition que l’électricité provienne de sources renouvelables : éolien, solaire ou hydraulique. On distingue trois types d’électrolyseurs : les électrolyseurs alcalins avec la potasse comme électrolyte, ce sont les plus répandus ; les électrolyseurs à électrolyte acide (électrolytes non liquides) ; les électrolyseurs à haute température, encore en développement.
L’hydrogène jaune
Il est produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité d’origine nucléaire.
L’hydrogène blanc
C’est une ressource naturelle qui provient de nombreux mécanismes, dont et entre autres une réaction d’oxydoréduction entre l’eau et le carbonate de fer qui donne de l’hydrogène et des oxydes de fer, et la radiolyse de l’eau par l’uranium naturel. Le rayonnement ionisant peut alors rompre les liaison O-H de la molécule d’eau.
Alors qu’on pensait l’hydrogène naturel rare sur terre, on en découvre maintenant de nombreuses sources. En France, on en trouve, entre autres, en Lorraine et dans la région des Pyrénées. Le bassin minier du puits de Folschviller, près de Saint-Avold, pourrait contenir jusqu’à 46 millions de tonnes d’hydrogène.
Le premier permis d’exploitation vient d’être attribué, en novembre 2023, à la société TBH2 Aquitaine pour des recherches dans les Pyrénées-Atlantiques.
La France souhaite être un leader de l’hydrogène décarboné. Avec le plan France 2030, elle investit 2,1 milliards d’euros pour le développement de cette filière. Ce développement est prévu pour les projets suivants : production d’électrolyseurs et de réservoirs d’hydrogène, construction de trains et de véhicules utilisant l’hydrogène, étude des matériaux adaptés à cette molécule particulière et fabrication de piles à combustibles.