Michel Gauthier-Clerc
(Editions Delachaux et Niestlé, 2019, 240 p. 29,90€)
Lorsqu’on commence la lecture de ce livre en le feuilletant, on pense découvrir un atlas de photos de manchots tant celles-ci sont magnifiques et retiennent l’attention. Puis on commence à lire l’ouvrage et on découvre que c’est aussi un recueil de données passionnantes sur ces oiseaux si particuliers. Il est vrai que l’auteur est vétérinaire et spécialiste des manchots. Il a publié de nombreux articles scientifiques, dont l’un dans Nature en 2000 démontrant que ces oiseaux peuvent conserver leurs proies dans leur estomac, sans digestion ou fermentation, pendant plusieurs semaines afin d’en nourrir leurs petits.
Dans ce livre, l’auteur rappelle l’historique de ces espèces, qui datent de 60 à 25 millions d’années, et dont les manchots actuels sont maintenant restreints à l’hémisphère Sud. Puis il nous décrit les manchots actuels, de la famille des Sphéniscidés, soulignant que le manchot n’est pas un pingouin chez les francophones, la confusion étant surtout due au fait que la plupart des langues européennes désignent les manchots par des mots proches de pingouin (penguin en anglais, Pinguin en allemand et pinguin en italien…). Le terme pingouin désigne des oiseaux de la famille des Alcidés, qui sont tous volants (mergules, guillemets, macareux…) et il ne reste dans cette famille que le Pingouin Torda (Alca torda). Les espèces de manchots (et dans la même famille des gorfous) sont nombreuses et plusieurs schémas permettent de connaître leurs effectifs et leur répartition géographique. Ces oiseaux ont été exploités pour de multiples usages (huile extraite de leur graisse, œufs consommés, plumes pour la confection d’oreillers et de matelas, viande…). Mais le réchauffement climatique peut aussi jouer un rôle dans leur disparition.
Ces animaux aquatiques passent la majorité de leur vie en mer mais ils sont obligés de venir à terre pour leur reproduction et leur mue. Le mâle participe à la couvaison pendant que la femelle se nourrit en mer et réciproquement. Le changement de plumage (mue) est aussi une période de jeûne pendant que les plumes se renouvellent.
La vie en mer montre une dépendance aux grands courants et fronts océaniques, les modalités de leur consommation montrant comment ces oiseaux sont de remarquables nageurs et plongeurs, pouvant chasser en groupe de façon coordonnée.
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Quelques adaptations remarquables :
- la «crèche», où les poussins sont regroupés lorsque les parents sont partis en mer, pour les protéger des prédateurs et limiter un refroidissement ;
- la «tortue», où la tendance à maintenir une distance de sécurité entre les adultes est abolie lorsque les conditions météorologiques deviennent trop difficiles (en référence à la formation militaire des troupes romaines se regroupant pour se défendre), ce regroupement leur permettant de maintenir la température de leur corps et celle de l’œuf et ainsi de jeûner plus longtemps ;
- le sommeil très fragmenté, les manchots ouvrant leurs yeux plusieurs fois par minute pour surveiller leur environnement, en particulier l’approche d’un prédateur afin de réagir immédiatement ;
- les signaux colorés (plus la couleur est intense, plus elle signale que l’individu dispose d’une bonne immunité et de grandes qualités pour la reproduction) ;
- la reconnaissance vocale, notamment en bordure de crèche pour reconnaître son poussin et venir à lui ;
- la perception des odeurs pour détecter la nourriture en mer ou le site de nidification ;
- le jeûne de longue durée (pendant plusieurs mois pour certains), leur permettant de passer de l’état d’extrême maigreur à l’obésité pour reconstituer leur réserve de graisse et jeûner à nouveau ;
- l’élimination du sel marin apporté par leur alimentation grâce des glandes à sel très développées leur permettant d’éliminer le sel par leurs narines ;
- la nage et la plongée économique.
Enfin, dans un dernier chapitre, l’auteur souligne que les manchots sont particulièrement exposés aux modifications climatiques, mais des morts accidentelles sont aussi à éviter notamment en raison des lignes et filets de pêche, des marées noires, des prédateurs (parfois introduits par l’Homme, comme les rats, les porcs ou les chats).
Une importante bibliographie complète ce livre particulièrement bien illustré, tant par des photos particulièrement remarquables que par des schémas parfaits.