Les parabens

Alain Delacroix

Ancien professeur titulaire de la chaire « Chimie industrielle – Génie des procédés » du Conservatoire national des arts et métiers
 

Les molécules produites par l’industrie chimique sont toujours créées pour résoudre un problème et avant de les critiquer (ce qui est à la mode en France actuellement), il est bon de savoir à quoi elles servent. Comme pour les médicaments, qui sont des molécules chimiques comme les autres, il faut toujours considérer le rapport bénéfice/risque. Aucune molécule active n’est sans risque. C’est, par exemple, en cosmétique que les molécules utilisées doivent présenter le minimum de risque car le problème qu’elles traitent ne présente pas de danger. Rappelons toutefois que L’Oréal, à l’origine, a été créé par Eugène Schueller sous le nom de «Société française de teintures inoffensives pour cheveux», ce qui en dit long sur celles qu’on utilisait à l’époque.
Le risque le plus important (en dehors de celui qui leur est propre) dans l’utilisation de médicaments, produits cosmétiques ou industriels et aliments contenant de l’eau, même en très faible quantité, est la contamination par des bactéries ou des champignons pathogènes. Ceux-ci peuvent provoquer des maladies très graves contre lesquelles on doit se défendre. C’est ainsi que dans pratiquement tous les produits courants utilisés tous les jours, on introduit en très faibles quantités des bactéricides et des fongicides. Parmi ceux-ci, les parabens sont les plus connus en raison des controverses récentes sur leur utilisation.

Paraben

Paraben

Les parabens (formule ci-dessus) sont des parahydroxybenzoate d’alkyle qui ont une formule simple et sont peu coûteux. Ils ont de bonnes propriétés antibactériennes et antifongiques et des propriétés physiques adéquates, par exemple la solubilité. Cela les a largement introduits dans les cosmétiques, les médicaments, les aliments, etc.
Il existe une infinité de parabens car le groupement R peut correspondre à n’importe quel groupe alkyle, le plus simple étant le méthyl. Il existe industriellement les méthyl, éthyl, propyl, isopropyl, butyle, isobutyl et même benzyl parabens.
Les parabens sont aussi des molécules naturelles que l’on peut trouver, par exemple, dans les fraises, la vanille, la carotte, certains jus de fruit, etc. (les plantes fabriquent aussi des molécules pour se défendre contre, entre autres, leurs prédateurs !).
Les bonnes propriétés des parabens font qu’on les a introduits dans la majorité des produits que l’on utilise tous les jours : shampoings, crèmes diverses, mousses à raser, etc. De ce fait, l’être humain est exposé régulièrement à ces produits. Mais des études récentes montrent que les parabens pourraient présenter des risques : baisse de fertilité pour l’homme et augmentation des tumeurs œstrogèno-dépendantes car ils peuvent se lier aux récepteurs des œstrogènes. En liaison avec le principe de précaution, leur interdiction a été votée par l’Assemblée nationale en 2011.

Alors comment remplacer les parabens ? La publicité nous a inondés de produits «sans paraben», mais qu’a-t-on mis à la place ?
Du 2-phénoxyéthanol (formule ci-dessous) qui, lui aussi, existe à l’état naturel dans le thé vert ou la chicorée mais qui pourrait induire des allergies ou des troubles neurologiques ? Il est déconseillé maintenant dans les lingettes pour bébés en attendant des études plus poussées sur sa toxicité.
 
2 phénoxyéthanol
On peut utiliser aussi la méthylisothiazolinone (formule ci-dessous), excellent biocide, mais en 2014, la Commission européenne a émis un avis de méfiance sur ce produit.
 
MIT

Il faut noter à ce stade qu’un produit biocide, bactéricide ou fongicide, qui tue par définition des objets vivants, ne peut être sans effets sur l’être vivant macroscopique que nous sommes. De ce fait, chaque molécule de ce type devra faire l’objet de recherches approfondies et longues, voire sans fin.
Alors y a-t-il d’autres solutions pour formuler des produits sans conservateurs ? On peut utiliser la stérilisation UHT, comme pour le lait, pour les produits relativement stables à la chaleur, on peut aussi diminuer la taille des gouttelettes d’eau de telle manière que la bactérie n’ait pas assez de place pour se développer. Mais ces techniques n’ont, semble-t-il, pas une utilisation aussi générale et facile que les molécules biocides. A suivre donc…