Notes de lecture

Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.

Jean-François Trape

(IRD Editions, 2023, 896 p. 65€)

 
Guide des serpents d'Afrique (J.-F. Trape, IRD Ed., 2023)Les serpents africains sont très craints en Afrique car l’incidence annuelle des décès par morsure de ces reptiles dépasse 1 pour 10 000, ce qui est supérieur à la mortalité occasionnée en Afrique et en Europe par les accidents de la route.
L’intérêt de cet ouvrage écrit par Jean-François Trape, médecin, ancien directeur de recherche de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), est de nous décrire pour la première fois l’ensemble des espèces de serpents actuellement connues dans trente pays d’Afrique occidentale, centrale et d’Afrique du Nord. L'ouvrage présente 375 espèces de serpents, dont une soixantaine ont été décrites récemment (l’auteur est le découvreur d’une trentaine d’espèces nouvelles figurant dans ce livre).
Après une introduction sur le cadre géographique des diverses espèces de serpents, une première partie décrit le danger lié aux morsures des vipéridés, élapidés, couleuvres ou autres serpents, en soulignant l’importance à intervenir rapidement avec un sérum antivenin.
La seconde partie est importante car elle décrit les critères d’identification de ces serpents avec des schémas particulièrement explicites.
Puis les parties suivantes présentent les principales familles : (3) pythons, (4) boas, (5) cobras, mambas et formes affines, (6) vipères, (7) couleuvres, (8) typhlops ou serpents aveugles, (9) leptotyphlops ou serpents vers.
Une importante bibliographie, suivie d’un index de la nomenclature zoologique de ces serpents termine cet ouvrage particulièrement complet.
Il faut surtout souligner la qualité excellente des nombreuses photographies (plus de mille) et des illustrations permettant d’identifier ces serpents dans ce guide illustré qui n’avait pas de précédent aussi complet.
Il s’agit d’un ouvrage exceptionnel et inédit qui fera référence pour de nombreuses années, aussi bien pour les scientifiques que pour le grand public.

Jean-Gabriel Ganascia

(Seuil, 2024, 168 p. 13,50€)

 
L'IA expliquée aux humains (J.-G. Ganascia, Seuil, 2024)Le 20 mars 2023, Jean-Gabriel Ganascia, professeur à la Sorbonne et chercheur dans le domaine de l’IA, reçoit une proposition d’interview. Cet entretien, conduit par quatre collégiens, aborde de nombreuses questions sur notre relation étroite avec l’IA et son utilisation. En effet, dans une période où celle-ci fait souvent la une des journaux, nous sommes confrontés à notre ignorance sur le sujet. Ainsi, au travers du livre L’IA expliquée aux humains (la transcription de l’interview), Jean-Gabriel Ganascia explique le fonctionnement et la naissance de cet outil technologique tout en explorant la relation entre humains et intelligence artificielle.

Tout d’abord, dans intelligence artificielle il y a le mot intelligence. Mais qu’est-ce l’intelligence ? Par son échange avec les collégiens, Ganascia met en évidence quatre sens à ce terme, dont l’un est l’ensemble de nos capacités à raisonner, à percevoir, à mémoriser, imiter, comprendre, etc. C’est en cherchant à mieux comprendre cet ensemble que les scientifiques ont élaboré les premières «intelligences artificielles».
C’est notamment en appliquant des algorithmes (instructions de calculs connus depuis l’Antiquité) sur des ordinateurs que les scientifiques ont comparé les réactions des humains et des machines face à un même problème. Une intelligence a alors été créée artificiellement pour les ordinateurs, qui sont capables de calculer et résoudre des problèmes.
Et quelles sont les autres applications de l’IA ? Il est facile de n’imaginer l’IA que par ses développements récents. Pourtant, une de ses premières applications, souvent ignorée bien que répandue, est l’hypertexte, qui lie des mots à des articles sur le même sujet. Cela a permis le développement des URL et du web.
Il est vrai que l’IA prend maintenant la forme d’une entité à part entière et n’est plus seulement un outil diffus et invisible. Elle est matérialisée par des robots intelligents, des voitures autonomes et surtout par la conversation grâce aux chabots, des sortes de robots amputés de forme physique, qui discutent (ChatGPT).
Notre étroite relation avec l'IA soulève des questions éthiques : l'IA peut-elle reproduire ou surpasser l'intelligence humaine ? Même l'art, considéré comme propre à l'Homme, est désormais exploité par l'IA, qui a généré une œuvre vendue 432 500 $. Cependant, comme le souligne Ganascia, ce sont les concepteurs du programme qui sont les véritables artistes, et non l'IA. Cela s'applique aussi à d'autres domaines comme la musique, l'écriture ou la santé, où l'humain reste le principal acteur, utilisant l'IA comme un outil, sans lui laisser d'indépendance.
Au départ, l’IA servait à résoudre des problèmes simples, mais les choses se sont compliquées lorsque des enchaînements d'actions devaient être pris en compte, comme aux échecs, où chaque déplacement dépend de celui de l’adversaire. Le nombre de combinaisons possibles est immense : de l’ordre du nombre d'atomes sur Terre. Pour simplifier, on a introduit une intuition heuristique qui aide l’IA à écarter les options inutiles, bien que cela reste imparfait car l'intuition peut être trompeuse.
Pour améliorer les performances, l’apprentissage par renforcement a été créé. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Prenons l'exemple d'un petit Poucet dans une forêt qui dépose des cailloux pour marquer son chemin. Il ajoute ou retire des cailloux selon qu’il trouve ou non ce qu’il cherche. Ainsi, la prochaine fois qu'il reviendra, il aura maximisé ses chances de réussite. C’est sur ce principe que repose l’apprentissage par renforcement et que fonctionnent les IA aujourd’hui.
L’IA fait beaucoup parler des dangers qu’elle représente pour la société. Elle peut servir d’appui à une société de surveillance en analysant les images de caméras de rue et en imposant ainsi des règles de conduite collective. C’est déjà le cas en Chine où les habitants ont une note sociale selon leurs actions. Aussi, les technologies génératives sont utilisées pour créer de fausses informations, comme de faux discours politiques, fragilisant la démocratie.
L’IA reste cependant un atout précieux dans de nombreux domaines. En santé, elle permet par exemple de diagnostiquer des cancers de la peau à partir de photos de grains de beauté. En agriculture, elle permet de détecter des maladies sur les plantes et de donner des conseils sur l’arrosage et la semence. De plus, elle permet d’importants progrès dans la cosmologie, notamment avec l’étude d’images prises par des télescopes et elle aide dans l’exploration spatiale en pilotant des vaisseaux spatiaux et des robots de collecte d’informations.

Avec ce livre, l’auteur aborde donc tous les aspects de l’IA, répondant de façon claire et accessible à nos questions fondamentales sur cette technologie. De plus, on apprécie la diversité des points de vue offerte par les quatre collégiens et le scientifique, qui ouvre alors la voie à de nouvelles pistes de réflexion.
 

Cette note de lecture a été écrite par deux lycéens, Justine (17 ans) et Romain (16 ans) Potier.
Françoise Serre Collet

(Quae, 2024, 136 p. 26,50€)

 
Des vipères et des hommes (F. Serre Collet, Quae, 2024)Ce livre de grand format, magnifiquement illustré, comporte une préface du Dr Ivan Ineich, herpétologiste au Muséum national d’histoire naturelle, un avant-propos de Rudy Fourmy, fondateur d’Alphabiotoxine Laboratory, une introduction, trois chapitres et une bibliographie.
Le titre indique bien l’étrange relation, le plus souvent mauvaise, qu’on entretient avec cet animal sans pattes, venimeux et, en plus, à l’origine du soi-disant péché originel !
Ayant côtoyé cet animal dans ma jeunesse, je me suis d’autant plus intéressé au sujet. Dans les années cinquante, on trouvait beaucoup de vipères nichées dans les vieux murs en pierres sèches du Poitou. Souvent, des maçons les attrapaient et les exhibaient en les tenant verticalement par la queue pour les tuer quelques instants après. Depuis plusieurs décennies je n’en rencontre plus, ce qui m’avait déjà amené à m'interroger sur la survie de cette espèce. Ce livre vient à point nommé pour expliquer la place que les vipères tiennent dans la nature, et la nécessité de les protéger.

Dans l’introduction, l’auteure nous montre l’ancienneté de notre relation compliquée avec ce serpent qui, dans l’imaginaire, peut tuer ou guérir, représentant le bien et le mal. Pendant très longtemps l’homme l’a pourchassé et c’est seulement en 2021 que l’autorisation de tuer les vipères en France a été abrogée. Les nombreuses espèces sont présentées ainsi que la complexité de leur classification. Des indications sont données pour expliquer les raisons de la peur ou du dégoût que la vipère provoque et l'on fait le tour des croyances religieuses.
Le premier chapitre donne les clés de l’observation de ces animaux : température et nature du lieu (déserts, forêts, montagne, campagne). L’auteure explique comment les approcher sans risque et les photographier.
Le deuxième chapitre est consacré au venin. On découvre sa composition complexe et ses effets. Curieusement, il aide la vipère à digérer ses proies et elle ne l’injecte pas systématiquement quand elle mord. Les organes sensoriels sont décrits. On apprend que la vipère arrive à capter les sons – c’est pour cette raison que dans ma jeunesse, on nous disait de taper du talon quand on marchait dans des zones où elles pouvaient se trouver. On découvre l’étonnante sophistication de ses capteurs et de son crâne. On apprend que les reptiles en tout genre tuent autour de 100 000 personnes par an dans le monde, mais aussi ce qu’on doit faire en cas de morsure, ainsi que les nombreuses recherches liées au cocktail de molécules présentes dans le venin.
Le troisième chapitre est consacré à la relation globale entre l’homme et la vipère. La déforestation et la disparition de la végétation limitent le nombre de serpents mais, en plus, l’homme les détruit systématiquement. Aux Etats-Unis, le massacre des crotales est une cérémonie. En France, le métier de chasseur de vipères a existé jusqu’à la fin des années soixante-dix ; l'un d'eux en a tué 40 000 en Haute-Loire. Des parcs nationaux et zoologiques, mais aussi des associations, tentent de sauver et de réintroduire les espèces en voie d’extinction, et l'auteure explique comment elles se reproduisent. On découvre des élevages en Hongrie, en Belgique, en Suisse.

Françoise Serre Collet termine par un message sur la nécessité de développer et d’enseigner les sciences de la vie afin que les connaissances ainsi acquises permettent de regarder d’un autre œil ces animaux mal connus. Son livre est un plaidoyer pour le respect de la nature, et en particulier pour l’espèce la plus mal aimée du règne animal. D’un très bon niveau scientifique, il peut être lu par toute personne intéressée par les sciences de la vie et de la nature. Après l'avoir lu, on a une tout autre vision de cet animal étrange qui, lui, ne mord que pour se nourrir ou s’il est attaqué !

Laurent Foiry

(L'Aube, 2024, 184 p. 17€)

 
Les faux savants (L. Foiry, L'Aube, 2024)«Les virus n'existent pas». Au détour d’un blog, cette assertion provocatrice a interpellé Laurent Foiry, docteur en biologie moléculaire. Il a voulu comprendre par quels chemins tortueux des gens en arrivent à dénier une vérité scientifique aussi bien établie. Avec ce livre, il nous emmène au cœur du complotisme scientifique.

L’origine du viro-dénialisme remonte au XIXe siècle alors que le mode de propagation des épidémies fait débat. En 1888, le médecin Antoine Béchamp publie sa thèse de l’inexistence de la contagion. Sa théorie est vite réfutée après les découvertes des bactéries, puis des virus. Mais elle sera adoptée par les viro-dénialistes du monde entier et le livre de Béchamp deviendra leur bible !

Laurent Foiry a étudié une communauté française de quelques milliers d’entre eux, créée en 2020. Leur credo : la virologie est une énorme fraude inventée par des élites corrompues. Le site est animé par des influenceurs et n’a pas de chef officiel. L’objectif est de semer le doute et de réduire la virologie à une simple hypothèse. Les preuves apportées par les contradicteurs sont ignorées. Ce n’est pas un débat scientifique mais un exercice de marketing. Ceux qui insistent dans l’opposition sont bannis. Les membres sont régulièrement invités à consulter un site parallèle prônant des régimes alimentaires entrecoupés de jeûnes.
Tous les dénialistes ou presque prônent des médecines alternatives, défiant parfois l’imagination, telles la rirothérapie ou l’urinothérapie ! Mais le refus de la science officielle peut être désastreux ; le chanteur québécois Bernard Lachance est mort après avoir mis fin à son traitement contre le sida. Et lorsque le dénialisme atteint le sommet de l’Etat, c’est une catastrophe nationale : dans les années deux mille, le président sud-africain, s’appuyant sur des experts dénialistes, a limité l’accès de la population au traitement du sida, entraînant la mort de 300 000 personnes.
L’anthroposophie est un mouvement qui prône la méditation et l’usage de gui pour guérir de tout, y compris du cancer. Il enseigne que la Covid résulte du déploiement de la 5G. Il possède ses propres banques, ses marques, ainsi qu’un réseau mondial de deux mille crèches.
Car le dénialisme est aussi une affaire très lucrative. On vend formations, prestations de thérapeutes, livres, produits dérivés, et l’on collecte de l’argent. L’animateur américain Alex Jones, diffusant (de fausses infos) sur InfoWars peut générer 800 000 $ en une seule journée.
La politique n’est jamais loin sur les réseaux dénialistes et la nuance n’y est pas de mise : «Il faut se débarrasser des élites esclavagistes». Souvent, le but affiché est d’affaiblir l’Etat, considéré comme trop intrusif.

L’auteur prend le temps de désamorcer un à un les arguments classiques des dénialistes. Il décrypte leurs jeux-concours truqués, organisés à la seule fin de donner une illusion d’ouverture au débat. Il rappelle que la science n’est pas parfaite, comme toute activité humaine, mais la méthode scientifique permet, in fine, de corriger les erreurs.

Pourquoi le dénialisme prospère-t-il ? Les bonimenteurs d’antan s’adressaient à quelques dizaines de personnes. Aujourd’hui, ils peuvent raconter n’importe quoi à des millions de personne via les réseaux sociaux.
La population est plus réceptive à ces discours lors de pandémies, comme celle de la Covid. Est-ce par réticence naturelle aux inévitables mesures (vaccins, confinement, masques) ? Ou est-ce la déception d’un public qui s’attendait à une réponse scientifique immédiate, claire, consensuelle ?
Lorsque le premier vaccin anti-Covid est annoncé en 2020, seulement 56% des Français se déclarent prêts à le prendre. Le plus bas taux d’Europe. Assez triste au pays des Lumières.

La vérité ne se défend plus toute seule. Elle est de plus en plus noyée sous un volume colossal grandissant de fausses informations. L’auteur esquisse quelques pistes pour renverser cette funeste tendance. Il propose d’allumer des contre-feux avec des productions massives de contenus scientifiques plus présents, plus attractifs, plus accessibles. Les résultats prometteurs des influenceurs scientifiques actuels sont encourageants, avec un total de dix-sept millions d’abonnements (Dr Nozman, et consorts).
Par ailleurs, laisser dire tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux sans se soucier des conséquences sur la collectivité ne doit plus être accepté. Il faut légiférer et responsabiliser les acteurs de cette vaste machine dénialiste : plateformes, annonceurs, influenceurs. Blocage de comptes et levée de l’anonymat sont des armes probablement efficaces.

La dernière phrase du livre sonne comme un avertissement qui nous concerne tous : «C’est ce dénialisme quotidien, diffus, insidieux, dangereux, difficile à maîtriser qui devrait mobiliser toute notre attention».
Un livre essentiel pour quiconque s’intéresse à la gouvernance de notre société.

Arturo Quirantes Sierra, Manel Montes, Jorge Munnshe

(Glénat, 2024, 288 p. 35,50€)

 
Les exoplanètes et les corps célestes étranges (A. Quirantes Sierra, M. Montes, J. Munnshe, Glénat)Préfacé par Jean-Pierre Luminet, directeur de recherches émérite au CNRS, ce livre présente l’ensemble des découvertes liées à l’astronomie qui apparaissent en grand nombre de nos jours avec les sondes et les télescopes spatiaux. Le document est divisé en deux parties : «Les corps célestes étranges» et «Les exoplanètes».

Les auteurs nous présentent d’abord le nombre important découvert à ce jour d’objets bizarres présents dans l’Univers : les exoplanètes gigantesques, gazeuses, qui orbitent autour de deux étoiles en même temps, isolées dans le vide interstellaire ; les étoiles : binaires, qui tournent autour de pulsars ou de trous noirs ; les trous noirs : les énormes, les micro...
Déjà quelques phénomènes étranges sont présents sur notre propre satellite, la Lune. Les astéroïdes aussi sont bizarres, ils se prennent parfois pour des comètes. Quant à la neuvième planète du Système solaire, elle se cache toujours, mais à ce jour, on a découvert près de 5700 exoplanètes, toutes aussi étonnantes par leurs diversités. Par exemple, la densité la plus faible : Kepler-139 d, et la plus forte : 55 Cancri e.
Parmi les étoiles, beaucoup sont candidates à l’étrangeté : HD 140283, la plus vieille ; le pulsar «Veuve noire» de deux étoiles binaires ; 47 Tuc X9, qui tourne autour d’un trou noir ; les hypergéantes rouges ; les naines brunes... Etrange : les explosions d’étoiles massives, qui apparaissent sous forme de supernovae super lumineuses ou qui disparaissent brusquement sous forme de trou noir. Sans parler des étoiles hypervéloces, qui quittent leur galaxie pour finir dans l’espace intergalactique.
On voit ensuite les corps célestes les plus denses et les mystérieuses ondes gravitationnelles. On découvre les évolutions des petites étoiles et des grosses, qui peuvent finir en étoiles à neutrons ou en trous noirs. Ces étoiles à neutrons ont des propriétés extraordinaires qui ont permis la découverte des pulsars avec Little Green Men-1 (Petits hommes verts-1 !). Les auteurs nous content ensuite la découverte des trous noirs et leurs incroyables propriétés.
Le dernier chapitre de cette première partie concerne les anomalies à grande échelle. On y découvre les amas stellaires ainsi que les mystérieux quasars et leurs cousins, les blazars. Enfin, on côtoie la matière noire et on termine avec le mystère du point froid du fond diffus cosmologique.

La deuxième partie de l’ouvrage concerne les exoplanètes. La présentation rappelle l’évolution de la pensée entre ce pauvre Giordano Bruno et la nouvelle exobiologie. On apprend que la définition d’une planète n’est pas si simple puisque Pluton a quitté le monde des planètes pour devenir un plutoïde plutôt qu’un astéroïde. On étudie ensuite la création des planètes et leur évolution au fil du temps. La mort de la Terre est détaillée mais, heureusement, nous laisse encore un peu de temps !
On étudie ensuite les différentes méthodes pour détecter les planètes. C'est particulièrement difficile car elles émettent peu de lumière par rapport à leur étoile. Les auteurs nous expliquent les différentes techniques qui permettent de les découvrir : méthode à vitesse radiale, occultations et transits... ainsi que l’évolution des matériels qui nous les font détecter : le bien connu James Webb et le futur télescope européen PLATO. Ces méthodes qui utilisent des images ont leurs limites, et de nouvelles techniques se créent : microlentilles, utilisation de coronographes, astrométrie, etc.
Il reste à classer les 5667 planètes découvertes à ce jour. Les méthodes actuelles favorisent la découverte d’objets de grande taille appelés Jupiter chaudes ou froides. Mais il y a les orbites bizarres, celles de type Neptune, les exoterres...

L’ouvrage se termine avec deux chapitres concernant la recherche de la vie et la sempiternelle question de savoir si nous avons des cousins extraterrestres. Sur Terre, la vie existe déjà dans des conditions extrêmes : acidité, pression, température, radiations, etc., qu’on peut retrouver sur Mars, d’où les projets de recherches effectués dans le bassin du Rio Tinto en Espagne. Enfin, on étudie les diverses techniques utilisées pour tenter de correspondre avec d’autre formes d’intelligence, ce qui pour l’instant ne donne, peut-être heureusement, aucun résultat !

Ce livre se lit d’une seule traite. Il est abordable à la fois par les scientifiques non spécialistes et toute personne intéressée par ce sujet qui, en fait, concerne tout le monde. Il comporte de superbes photos qui illustrent parfaitement le texte. Le livre est passionnant et fait regretter de ne pas être astronome !

Marc-André Selosse

(Actes Sud, 2024, 448 p. 25€)

 
Nature et préjugés (M.-A. Selosse, Actes Sud, 2024)Le constat, pour le dire familièrement, que l’humanité fait fausse route est largement partagé, aussi bien par les professionnels de diverses disciplines que par les simples quidams.
De nombreux livres, depuis de nombreuses années, sont écrits sur le sujet.
Celui-ci l’aborde sous un angle bien particulier et très convaincant : l’évolution.
Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant tant le phénomène est imperceptible au jour le jour : l’évolution se poursuit, l’évolution est toujours et sera toujours en cours, la nature évolue et nous, hommes et sociétés, qui faisons partie de la nature, nous évoluons aussi, continûment, avec elle.
Cette idée que nous faisons partie de la nature ne va pas de soi. De la Bible à Descartes, ou même à Diderot, l’injonction «soyons maître et possesseurs de la nature» n’était guère contestée. Encore aujourd’hui, la croissance est le plus souvent présentée, explicitement ou implicitement, comme une indiscutable nécessité, sans la moindre considération quant à la «capacité biotique» de la nature.
Cela nous oblige à la fois à la modestie et à la responsabilité. C’est ce que montre, par une série d’exemples qu’il nomme «essais», Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, l’auteur de cet ouvrage au titre évocateur Nature et préjugés.
Le livre est trop riche et trop foisonnant pour être facilement résumé.

«La nature est bien faite», la phrase nous vient facilement sur les lèvres, elle exprime l’un de ces préjugés sur lesquels l’auteur attire notre attention. Cette affirmation en effet a-t-elle un sens ? La nature est ce qu’elle est, après d’innombrables hasards et d’innombrables ratages, disparus en cours de route, non sélectionnés. La nature n’est ni bien faite ni mal faite, elle est telle que l’évolution l’a faite et continue à la faire. Nous ne vivons pas dans un milieu en équilibre, mais dans un milieu en perpétuel déséquilibre, abritant d’innombrables compétiteurs et parasites, de toutes sortes et de toutes tailles, en lutte les uns avec les autres.
«Rien n’est permanent, sauf le changement», aurait dit Héraclite.

Génétique, agriculture(s), histoire, culture, diététique, alimentation, pêche, santé, épidémies, climat, etc. : les sujets abordés sont multiples, le livre est épais, dense, passionnant. Sa présentation, en ces dix «essais», en est vivante et pleine d’humour.

Les évolutions culturelles étant plus rapides que les évolutions biologiques, nous devons être sensibles à ce hiatus et vigilants.

Avec l’évolution, la diversité, composante essentielle de l’évolution, est un autre fil conducteur du livre, la diversité dans ses trois dimensions. La première dimension est la plus connue, la diversité des espèces. La seconde dimension est la diversité, en particulier génétique, à l’intérieur de chaque espèce. Et enfin, la diversité à laquelle on pense moins est la diversité à l’échelle microscopique, celle des microbes, bactéries, virus, etc., aussi importante sinon plus encore que les deux autres. En effet l’excès d’hygiène, l’obsession de la stérilisation, l’abus d’antibiotiques en médecine mais aussi dans l’élevage, l’agriculture, l’agro-industrie appauvrissent dramatiquement cette diversité microscopique et cet appauvrissement est à l’origine du développement, ou le favorise, de toutes ces maladies dites modernes que sont l’obésité, le diabète, les allergies et tant d’autres.

Chacun devrait avoir ce livre sur sa table de nuit et en lire un passage de temps à autre, afin de s’imprégner de toutes les facettes de nos innombrables interactions avec la nature.

Vincent Boudon, Arnaud Cuisset, Cyril Richard, Maud Rotger

(Ellipses, 2024, 240 p. 42€)

 
La lumière pour sonder le monde (V. Boudon, A. Cuisset, C. Richard, M. Rotger, Ellipses, 2024)«S’émerveiller devant un bel arc-en-ciel après la pluie, c’est bien. Ne pas simplement passer son chemin mais s’interroger sur sa nature, ... c’est encore beaucoup mieux». Bel argument des quatre auteurs de ce livre pour nous introduire à leur discipline scientifique, la spectroscopie, et nous dévoiler l’extraordinaire richesse des informations véhiculées par la lumière.

Le voyage commence donc avec l’arc-en-ciel. En décomposant la lumière du Soleil avec un prisme de verre, Newton explique, par les lois de l’optique, le spectre continu de couleurs (dont il fixe arbitrairement le nombre à sept, pour des raisons religieuses !). L’arc-en-ciel est généré par les gouttes de pluie agissant comme de multiples petits prismes.

Peu après, Thomas Melvill, le «Newton écossais», étudie le spectre de la lumière d’une lampe brûlant de l’alcool et des sels. Il découvre avec surprise une mystérieuse raie jaune vif très brillante. C’est l’acte de naissance de la spectroscopie et de la longue quête des raies spectrales, qui va se poursuivre durant deux siècles. Une raie colorée marque la présence d’un élément chimique précis dans la source lumineuse, tel le jaune pour le sodium. Une raie sombre identifie un élément situé entre la source et l’écran, par exemple un gaz. Au début du XXe siècle, un catalogue recense des dizaines de milliers de raies spectrales, qui sont autant de signatures de dizaines d’éléments, atomes ou molécules. Des formules empiriques prédisent partiellement leurs positions (à noter : ce sont les premières formules physiques incluant des nombres entiers !).

L’explication du mystère des raies viendra de la mécanique quantique, que les auteurs exposent brièvement. Planck pose, en 1900, l’hypothèse audacieuse du quantum d’énergie (sans y croire !). Einstein invente le concept du photon de lumière. Bohr établit un modèle d’atome : chaque électron gravite sur une orbite à un niveau d’énergie fixé ; il peut «sauter» sur une autre orbite, en émettant ou absorbant un photon d’une énergie équivalente, selon qu’il se rapproche ou s’éloigne du noyau. Ce modèle explique bien la présence de raies. Mais pourquoi ces orbites et pas d’autres ? Heisenberg introduit la nature probabiliste du phénomène et Schrödinger en écrit l’équation (1926), laquelle permet dès lors d’expliquer, calculer et prédire la position des raies. Calculs complexes, qui ne se développeront qu’avec l’informatique.

La spectroscopie étudie la répartition de l’énergie lumineuse en fonction de la longueur d’onde, non seulement pour la lumière visible, mais pour l’ensemble du spectre électromagnétique : ondes radio, micro-ondes, infrarouges, lumière visible, ultraviolets, rayons X, rayons ϒ, autant d’angles différents pour «voir» le monde. D’où la floraison de techniques de spectromètres et de programmes de mesure, terrestres ou spatiaux, que les auteurs passent en revue.

Le voyage se termine avec le bilan d’une technique devenue incontournable par sa capacité extraordinaire à détecter les éléments chimiques à distance.
En 1835, Auguste Comte, le père du positivisme, annonçait que jamais nous ne pourrions connaître la composition des étoiles. La spectroscopie le contredira avec éclat, en identifiant atomes et molécules jusqu’aux confins de l’Univers. Un cortège de prouesses que les auteurs déroulent en détail. Exemples : 258 molécules ont été détectées. L’hélium a été découvert dans l’espace avant de l’être sur Terre. Le fullerène, cette molécule singulière de 60 atomes de carbone, de la forme d’un ballon de football (icosaèdre tronqué), a été détecté à l’état naturel dans l’espace en 2010, après avoir été «inventé» et synthétisé sur Terre. On a décelé la glycine, un acide aminé, dans une comète : une piste sérieuse pour expliquer la vie sur Terre. On détecte les trous noirs par les rayons X, et des effondrements d’étoiles par les rayons ϒ. Plus près de nous, la spectroscopie est partout, depuis la mesure des gaz à effet de serre et de la couche d’ozone, jusqu’à la surveillance de l’état de fraicheur de barquettes de saumon, en passant par la détection d’explosifs, l’étude du «sfumato» de Léonard de Vinci ou l’analyse de l’air exhalé par un patient.

La lecture de ce livre est passionnante et très instructive, la spectroscopie ayant été très peu vulgarisée. Le texte est simple, sans équation. Il est enrichi par 200 figures, photos, tableaux, schémas, qui sont véritablement exceptionnels par leurs qualités graphiques et pédagogiques.
D’une façon générale, les auteurs ont été très généreux en informations techniques détaillées, ce qui ravira les lecteurs les plus motivés. Les autres pourront élaguer un peu, chaque chapitre pouvant se lire de façon indépendante.
Le livre s’adresse à tout curieux désireux «de ne pas simplement passer son chemin» devant un bel arc-en-ciel.

Philip Moriarty

(EDP Sciences, 2024, 164 p. 12€)

 
Les nanotechnologies (P. Moriarty, EDP Sciences, 2024)«Nano est un préfixe grec signifiant : comment attirer des financements pour la recherche». Cette note ironique d’un professeur d’Oxford évoque l’engouement parfois exagéré que suscitent les nanosciences, tout comme Internet dans les années deux mille. Avec ce petit livre de l’excellente collection ChronoSciences, Philip Moriarty, nanotechnologue et professeur à l’université de Nottingham, entend «couper court à l’hyperbole» et nous «emmène dans une visite guidée du nanomonde».
Les nanosciences étudient les phénomènes à l’échelle du nanomètre (nm), soit un milliardième de mètre ou l’équivalent de quelques atomes. A cette échelle dominent la force électromécanique et les électrons (le noyau de l’atome est un million de fois plus petit). Les électrons sont au cœur de la technologie de l’information et façonnent le monde qui nous entoure. Pourquoi le diamant est-il rigide, le verre transparent, le fer magnétique, le cuivre conducteur ? Uniquement en raison de la disposition et des interactions des électrons. En contrôlant les électrons, le nanotechnologue, tel un démiurge, peut aujourd’hui modifier à sa guise les propriétés d’un matériau : couleur, résistance, conductivité électrique, réactivité chimique, réaction à la chaleur, à la lumière, à la contrainte mécanique. La liste des produits qui en bénéficient ne cesse de s’allonger : crèmes solaires, ordinateurs, purificateurs d’eau, balles de golf, cellules photovoltaïques, tissus intelligents.

Tout a commencé en 1981 lorsque les chercheurs du laboratoire IBM de Zurich inventent le microscope à balayage, dit MCP. Bien différent de ses prédécesseurs optique et électronique, il est muni d’une sonde pointue qui balaie la surface à observer. Il mesure et contrôle les forces d’interaction entre sonde et surface avec une précision atomique. Il opère sous ultravide à une température de 4°K pour éviter toute interférence parasite. «Nous pouvons pousser, tirer, aiguillonner et ramasser des atomes un par un», s’enthousiasme l’auteur. Une courte vidéo nous en donne une illustration spectaculaire, visible sur Internet (A boy and his atom, IBM, 2013). Chaque point lumineux est une molécule manipulée par le MCP.

Dans le nanomonde, la mécanique quantique joue un rôle important, notamment le principe d’exclusivité de Pauli selon lequel deux électrons ne peuvent occuper le même état quantique. Les atomes s’attirent, se repoussent, se lient, selon leur distance et les états quantiques de leurs électrons. Ils s’organisent pour atteindre la configuration de niveau d’énergie minimum et donc la plus stable, dans un processus fondamental appelé auto-assemblage.

Le confinement est un outil puissant dans le jeu de construction du nanotechnologue. Dans un «corral quantique», on piège les électrons et leurs ondes associées (onde de de Broglie) à l’intérieur d’un anneau d’atomes. Un réseau d’ondes stationnaires s’établit, que l’auteur compare aux rides à la surface d’un café soumis aux vibrations d’un train ! (l’équation de l’onde est la même). Plus petite est la structure de confinement, plus grande est l’énergie cinétique des électrons. En jouant sur cette taille, le chercheur peut régler les niveaux d’énergie des électrons et construire des nanostructures de plusieurs centaines d’atomes. Il s’agit là d’un outil de laboratoire extraordinaire.

Le MCP n’est pas adapté à un procédé industriel en raison de sa lenteur. Assembler une couche atomique de silicium d’un centimètre carré demanderait... trois millions d’années ! En comparaison, la nature assemble des cristaux de millions de couches atomiques en quelques minutes. C’est le résultat de millénaires d’évolution. Ce sont ces mécanismes que l’on cherche à utiliser dans les processus industriels.
Le monde du vivant, particulièrement performant, est source d’inspiration pour les chercheurs. Par exemple, l’ADN, qui présente une aptitude extraordinaire à générer des nanostructures, et les protéines motrices, telles les kinésines, qui sont de véritables nanomoteurs.

Ces quelques lignes ne donnent qu’un aperçu incomplet du livre, qui fourmille de sujets connexes. Citons : la miniaturisation des circuits intégrés (on est à 3 nm le composant) et sa limite technique, le spin de l’électron, les ordinateurs quantiques, l’entropie dans l’auto-assemblage, le «merveilleux graphène», le calcul moléculaire, les nanorobots, les «cils artificiels».

Tout au long du livre, l’auteur rappelle que la route pour transformer une découverte en solution industrielle est tortueuse, et il reste généralement assez discret sur les applications. Il fait brièvement un point factuel sur les dangers sanitaires.
Le texte est alerte, enthousiaste et agréable à lire, malgré quelques passages ardus. Le livre offre à tout lecteur ayant une base technique une excellente introduction à l’une des technologies les plus fascinantes et prometteuses de notre époque.

Jacques Robert

(CNRS Editions, 2024, 352 p. 25€)

 
Cancer, l'ennemi intérieur (J. Robert, CNRS Ed., 2024On peut être étonné de lire dans cet ouvrage du Pr Jacques Robert, publié début 2024, une préface d’Axel Kahn, décédé en 2021, président notamment de la Ligue nationale contre le cancer sur ses dernières années, de 2019 à 2021. C’est dire le long travail qu’a nécessité cet ouvrage de synthèse, destiné à un lecteur pas spécifiquement médecin ni cancérologue, ni même aux patients, mais aux personnes désireuses d’élargir le champ de leur savoir. C’est bien le propos de l’AFAS, la promotion des sciences et techniques auprès d’un public curieux.

La couverture du livre, en belles couleurs bleu et vert, contraste avec le titre ; elle présente de plus une photo d’un glioblastome en microscopie confocale, tumeur cérébrale très agressive ! Le ton est donné : l’ennemi, le combat, la lutte, la lutte pour la vie, car il s’agit bien de cela dans les processus de développement des tumeurs malignes. Axel Kahn parle même dans sa préface d’insurrection cellulaire et de révolte des esclaves.
L’auteur utilise dans le titre et dans le livre le mot cancer au singulier, mais le propos concerne bien les cancers, ces diverses maladies avec des points communs et des spécificités ; il s’en explique dans son avant-propos.

L’ouvrage est articulé en cinq parties, que l’auteur nomme cinq définitions, on peut le comprendre ainsi : le niveau anatomique et physiologique, le niveau étiologique et épidémiologique, le niveau cellulaire et moléculaire, le niveau thérapeutique et le niveau social. Ces cinq parties font appel à des disciplines scientifiques différentes et requièrent des compétences plus ou moins grandes. Le propos est toujours clair, rigoureux, actuel, pas toujours simple, comme le dit l’auteur lui-même d’ailleurs. De nombreux exemples empruntés aux différents types de cancers permettent de comprendre les étapes entre tissu normal et tissu cancéreux, ou les quatre stades (échelle de I à IV) selon l’extension locale et générale… A la fin de l’ouvrage, des références établies pour chacune de ces parties proposent en dix pages, livres, webographie et commentaires.
En partie 1, on peut trouver une classification générale, simplifiée des tumeurs, présentant plus de vingt types de cancer, du carcinome épidermoïde à l’adénocarcinome, au mélanome, pour exemples de tumeurs d’origine épithéliale ; au lipocarcinome, au léiomyocarcinome ou au mésothéliome pour exemples de tumeurs d’origine mésenchymateuse.
Dans la partie 2, les causes sont abordées, sans abord moralisateur ; on sait aujourd hui que «40% des cancers sont évitables, i.e. attribuables à une cause environnementale, 10% à des facteurs endogènes et le reste à une mauvaise chance aléatoire». Un tableau donne une liste de quelques-uns des principaux composés et mélange cancérigènes identifiés de façon certaine ; ils relèvent d’une origine qualifiée de culturelle (exemples, tabac, alcool), professionnelle (exemple, amiante), alimentaire (exemple, aflatoxines), atmosphérique (exemple, oxydes d’azote ou de soufre) ou thérapeutique (exemple, œstrogènes).
Biologie moléculaire et génomique des cancers constituent le propos de la partie 3. S’il n’existe pas de cause unique ni de mécanisme universel expliquant l’oncogenèse, il y a un point de départ commun, l’instabilité génétique de la cellule initiale. Il s’agit de maladies des gènes des cellules somatiques, exceptionnellement germinales. Les mécanismes fondamentaux de l’oncogenèse sont abordés à partir de la description des travaux sur les virus à ADN initiés dès les années soixante sur les fibroblastes de poulet pouvant induire des sarcomes. Le terme d’oncogène est utilisé pour la première fois en 1969. Ces travaux ont été complétés par ceux de 1976 montrant que ces oncogènes viraux étaient d’origine cellulaire et existaient dans le génome animal ! Le cancer est bien «l’ennemi intérieur» comme le qualifie l’auteur. Les développements de la génomique ont permis des progrès spectaculaires comme, dès 2005, le recensement des mutations dans l’ADN tumoral de plusieurs cancers : sein, côlon, cerveau, pancréas. La conception actuelle des mécanismes de l’oncogenèse est discutée en fin de cette partie.
La partie 4 est certainement la partie la plus médicale car elle aborde les traitements, locaux et médicaux. L’accent est bien sûr mis sur le dépistage et sur la prévention. En traitements locaux, approche chirurgicale et approche radiothérapeutique sont expliquées : principes, exemples choisis, pistes innovantes (cœliochirurgie, cryothérapies... pour la chirurgie ou radiothérapie conformationnelle). En traitements médicaux, généraux, il est question de chimiothérapie classique ou ciblée et d’hormonothérapie, introduite dès les années soixante-dix pour les deux types de cancers hormonodépendants, sein et prostate. La découverte de l’imatinib dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique a contribué au développement des thérapies ciblées.
Les aspects sociétaux font l’objet de la partie 5. La prévention primaire, pour éviter l’apparition d’un cancer, est présentée de façon simple, type de cancer par type de cancer, de même que leur dépistage. Les grands changements survenus en France après 2000, avec le lancement du premier «Plan cancer» en 2003, la création de l’Institut national du cancer (INCa) sont salués. Recherche, financement de celle-ci, formations scientifiques et médicales, carrières universitaires ou hospitalo-universitaires sont également abordés.

Livre riche, au contenu dense, peu illustré toutefois mais le propos se suffit à lui-même et reste accessible, étant écrit par un spécialiste talentueux quant à la diffusion de ses connaissances. Bravo pour cet exercice difficile : parler de phénomènes biologiques complexes dans un langage clair.
Un livre nécessaire et à recommander.

Henri-Pierre Aberlenc

(Museo, 2023, 90 p. 17,50€)

 
Insectes (H.-P. Aberlenc, Museo, 2023)On connaissait l’excellent ouvrage en deux tomes Les insectes du monde publié en 2021 par les éditions Muséo. Le coordonnateur de cet important travail, Henri-Pierre Aberlenc, a récidivé avec la participation de Laurence Ollivier, Jean-Claude Beaucournu, Axel Bourdonné et Laurent Soldati pour proposer un superbe livret de petit format (23 x 28 cm) en nous souhaitant «Puissiez-vous partager avec nous enthousiasme et émerveillement devant le génie et la diversité du Vivant!».
Face à la diversité des formes, des couleurs, des modes de vie ou des performances physiologiques du million d’espèces connues, les auteurs ont choisi une quarantaine d’insectes afin de familiariser le public avec ces animaux si divers. Un texte très court nous apprend l’essentiel pour chacun des insectes présentés. Ce sont surtout les magnifiques illustrations qui sont remarquables. On découvre la beauté sous-estimée de certains insectes avec un regard différent, avec parfois la surprise de leurs formes et de leurs couleurs. Ce livret nous laisse même sur notre faim de découvrir ce monde magique des insectes.
Ce livret, où nous partageons l’enthousiasme des auteurs, peut être recommandé pour les enfants comme pour les adultes.