Jean-François Cervel
Commission nationale française pour l’Unesco, IGAENR
Le dernier rapport de l’Unesco sur la science a été publié en novembre 2015 à l’occasion de la 38e session de la conférence générale.
Intitulé « Vers 2030 », il se situe dans le droit fil de l’agenda 2030 pour le développement durable voté par l’ONU.
Depuis le précédent rapport, publié en 2010, des évolutions sensibles se font jour.
D’abord, les dépenses en matière de recherche et développement continuent de croître en dépit de la crise financière. Mais une part importante de ces investissements concerne les sciences appliquées et est assurée par le secteur privé, relançant le débat entre recherche à effets économiques rapides et recherche fondamentale.
Ensuite, le fossé se réduit entre pays du Nord et pays du Sud, la plupart des pays intégrant désormais le développement de la science, de la technologie et de l’innovation dans leurs plans de développement. Même si les pays développés continuent à occuper la place principale, les pays en développement investissent aussi beaucoup en ce domaine.
Enfin, il y a toujours plus de scientifiques dans le monde, ils sont de plus en plus mobiles et échangent de plus en plus entre eux.
L’avant-propos met l’accent sur quelques éléments de questionnements transversaux.
Patrick Aebischer, président de l’université polytechnique fédérale de Lausanne, montre le rôle croissant des universités comme acteurs globaux, la révolution digitale (MOOCs…) accentuant encore ce phénomène. L’université de demain sera une entreprise globale, à multi-implantations avec des partenaires stratégiques et une forte présence virtuelle.
Bhanu Neupane, de l’Unesco, insiste sur la nécessité de contrôler et d’utiliser au mieux la data revolution au service des objectifs du développement durable. Il ne peut y avoir de développement durable sans science et sans une approche intégrée des différentes disciplines.
Heide Hackmann, membre du Conseil international pour la science, et Geoffrey Boulton, de l’université d’Edinbourg, s’interrogent sur le nouveau cadre d’une politique scientifique globale pour une science au service d’un monde juste et durable. Que signifie être un scientifique à l’ère de l’Anthropocène ?
Douglas Nakashima, de l’Unesco, fait un point sur l’émergence de la prise en considération des connaissances locales et indigènes, notamment dans le cadre de l’Intergovernmental Platform on Biodiversity and Ecosystem Services.
Après cet avant-propos, 27 chapitres dressent un panorama très riche et très complet de l’état mondial de la science et des politiques scientifiques.
Les trois premiers chapitres présentent une analyse transversale de la situation.
Le premier fait une présentation globale d’ « un monde en quête d’une stratégie de croissance efficace ». Il analyse d’abord les principaux facteurs influant sur les politiques et la gouvernance de la STI, facteurs géopolitiques, crises environnementales, recherche d’une stratégie de croissance efficace. Il dégage ensuite les principales tendances mondiales en matière de dépenses de R&D, en matière de capital humain et en matière de production scientifique. Les unes et les autres continuent à croître avec désormais près de 8 millions de scientifiques dans le monde. Il en et de même pour la production de connaissances. Il développe d’intéressantes analyses comparatives entre pays et groupes de pays et donne des perspectives en vue d’atteindre les objectifs de l’agenda 2030.
Le deuxième présente les grandes tendances en matière d’innovation et de mobilité de la connaissance. Il souligne l’augmentation de la compétition pour attirer les compétences et donc de la mobilité des étudiants et scientifiques.
Le troisième se demande si la différence entre les sexes diminue en science et en technologie et présente une analyse très complète de la situation selon les champs scientifiques et selon les régions et les pays.
24 chapitres sont enfin consacrés à des monographies par pays ou groupes de pays : Canada, Etats-Unis d’Amérique, Caricom, Amérique latine, Brésil, Union européenne, Europe du Sud-Est, AELE, Pays de la mer Noire, Fédération de Russie, Asie centrale, Iran, Israël, Etats arabes, Afrique de l’Ouest, Afrique centrale et de l’Est, Afrique du Sud, Asie du Sud, Indes, Chine, Japon, République de Corée, Malaisie, Asie du Sud-Est et Océanie.
C’est donc un très vaste panorama que dresse ce rapport, qui est une mine d’informations sur l’évolution des systèmes et des politiques scientifiques mondiaux depuis 2010, date du précédent rapport.