Alain Foucault
Professeur émérite du Muséum national d’histoire naturelle (Paris)
Balazuc (44° 30′ 24,4″ Nord, 4° 22′ 22″ Est) est un beau village construit sur une rive escarpée de l’Ardèche à 20 km à vol d’oiseau de la maintenant célèbre grotte Chauvet du Pont d’Arc. C’est un plaisir de flâner dans ses ruelles et d’y découvrir d’impressionnantes vues sur la rivière.
Mais Balazuc possède désormais une raison de plus d’être visité. Depuis avril 2016 s’y est ouvert un musée de géologie. Il n’est pas grand, mais les restes paléontologiques qu’il montre sont particuliers et méritent assurément d’être vus. La plupart, en effet, proviennent des couches de diatomites d’une colline connue comme la montagne d’Andance, qui s’élève à quelques kilomètres au sud-est de Privas.
Les diatomites sont des dépôts lacustres constitués par l’accumulation d’innombrables enveloppes siliceuses d’algues vertes unicellulaires microscopiques : les diatomées. Ces enveloppes sont d’une grande finesse et montrent une dentelle de dessins ajourés.
Bien des lacs actuels sont habités par des diatomées. Comme leur croissance est liée à l’alternance des saisons et que la sédimentation du lac lui-même est conditionnée par cette alternance, il s’ensuit que les sédiments qui en résultent présentent une alternance de très fins lits annuels. C’est ainsi une sorte de livre où chaque page marque une année.
Cette sédimentation peut s’étaler sur des millénaires et donner naissance à des formations de diatomite, roche très blanche (la matière organique s’étant oxydée au cours du temps), très légère et montrant de fins lits qui, comme on l’a dit, correspondent chacun à une année de dépôt.
Si la structure de ces lits s’est aussi bien conservée, c’est que le sédiment n’a pas été soumis à ce qu’il souffre habituellement : la bioturbation, c’est-à-dire le labourage par les organismes qui vivent habituellement sur le fond. Cela est dû à la rareté de l’oxygène, habituelle au fond de ces lacs.
Une conséquence est que les organismes animaux ou végétaux qui ont pu tomber sur ce fond sont parfaitement conservés. Et c’est justement ce qui fait un des principaux intérêts du musée de Balazuc.
C’est ainsi que l’on y verra une impressionnante collection de feuilles d’arbres qui donnent un aperçu de la flore entourant alors (c’est-à-dire il y a 7 ou 8 millions d’années) le lac fossile. On verra aussi de nombreux exemplaires de fossiles d’insectes, d’invertébrés (dont des grenouilles), de vertébrés, notamment des poissons, mais aussi de mammifères, dont un ancêtre du cheval, Hipparion.
Mais bien d’autres fossiles attendent le visiteur de ce très beau petit musée dont l’ouverture et les collections doivent beaucoup à la ténacité d’un passionné de paléontologie, Bernard Riou.