Un trésor sous le sable. Le chercheur français qui révolutionne la médecine

Franck Zal

(Les Arènes, 2024, 256 p. 21€)

 
Un trésor sous le sable (F. Zal, Les Arènes, 2024)C’est l’histoire d’un chercheur passionné qui va découvrir les propriétés insoupçonnées d’un simple ver, un arénicole que l’on rencontre sous le sable des plages de Bretagne. Son invention : le M101, l’hémoglobine de ce ver dont la capacité d’emmagasiner de l’oxygène est quarante fois supérieure à celle de l’hémoglobine humaine. Grâce à cela, durant la marée basse, soit environ six heures, ce ver est capable de vivre sans oxygène.

Une première partie autobiographique permet au lecteur de suivre au plus près l’évolution d’un enfant d’une famille très modeste d’immigrés qui allait devenir ce chercheur révolutionnant la technique des greffons, permettant ainsi à des chirurgiens de renommée mondiale de réaliser des prouesses en la matière. Doué d’une volonté peu commune, Franck Zal va gravir tous les échelons qui, peu à peu, lui ouvriront les portes de la recherche marine. Son idée : suivre les traces du commandant Cousteau, et le destin ou le hasard va l’y aider par la rencontre d’anthropologues connus comme Pierre Lamaison, Françoise Héritier ou encore Claude Levi-Strauss durant son cursus universitaire. Une incroyable opportunité lui est offerte avec une mission sur un navire océanographique dans l’océan Pacifique. Suivront son intégration au DEA d’océanographie à Roscoff, puis une thèse grâce à l’octroi d’une bourse de recherche dans le laboratoire du professeur Talmond. Durant une seconde campagne océanographique, il va s’initier à ce qui deviendra l’objet de ses recherches, le sang des vers marins, autrement dit leur hémoglobine. De retour à Roscoff, il a l’idée de se tourner vers une matière première abondante, le ver qu’il voit tous les jours sur la plage, l’Arenicola marina. Il entre au CNRS en 1999. Toutefois, développer une recherche innovante au sein d’un organisme comme le CNRS nécessite disponibilité et tenacité. Même si, comme le reconnaît le docteur Zal, le CNRS lui apporte beaucoup pour développer son idée de valorisation, il lui faut des coudées plus franches. C’est pourquoi il en démissionne en 2007 pour créer sa propre entreprise, Hemarina. D’autres difficultés commencent, comme celle de vaincre les réticences d’une administration engluée dans le principe de précaution, contraire à toute innovation de rupture. Cela lui demandera quinze ans de recherche et développement et le dépôt de soixante-trois brevets pour obtenir une autorisation de mise sur le marché de ce qui sera considéré comme un dispositif médical sous le nom d’HEMO2life®. Après tout, ne retrouve-t-on pas là un problème de sécurité inhérent à toute innovation thérapeutique ?

Mais sa plus belle récompense sera celle dictée par des chirurgiens spécialistes de greffes extrêmes, l’un d’entre eux qualifiant cette découverte d’équivalente à celle de la pénicilline. HEMO2Life® permet en effet de mieux conserver et mieux préserver les greffons d’une absence éventuelle d’oxygène.
En revanche, l’idée première de considérer l’hémoglobine du ver Arenicola sous le nom d’HEMOXYCarrier®, sinon comme véritable substitut sanguin, du moins comme appoint lors de certaines transfusions sanguines d’urgence hors de l’hôpital, va se solder par un échec. L’entrée dans ce «monde du sang» va rencontrer divers obstacles, dont les réticences des responsables de l’Etablissement français du sang et de l’Institut national de transfusion sanguine (INTS), peu enclins à partager le gâteau.
Forte de ses premiers succès, Hemarina ne semble pas avoir atteint sa vitesse de croisière, puisque son fondateur nous fait miroiter les autres applications potentielles de cette hémoglobine miraculeuse : traitement des AVC, des traumatismes crâniens, du syndrome de détresse respiratoire aiguë, ou de la drépanocytose. Au-delà de ces applications immédiates, sont envisagés le traitement des cicatrisations chroniques au moyen d’un nouveau pansement, HEMHealing®, en dentisterie avec HEMDental®, et un réactif pour culture cellulaire baptisé HEMOXCell®.

En conclusion, ce livre passionnant nous décrit le parcours d’un chercheur qui a su vaincre moultes difficultés, dont celle de faire admettre qu’un simple ver de nos plages bretonnes est capable de sauver des vies humaines. Un bel exemple de biomimétisme : comprendre ce que la nature nous offre et en tirer le meilleur en termes d’innovation.