Pierre Avenas
(EDP Sciences, 2019, 272 p. 19€)
avec la collaboration de Minh-Thu Dinh-Audouin
Quelle est l’origine du nom des éléments chimiques comme le cuivre, l’hydrogène, ou le sodium ? Voici des questions que l’on ne se pose pas nécessairement à priori. Et pourtant, les réponses sont passionnantes car elles nous emmènent au cœur de l’histoire de la découverte de ces éléments.
L’auteur, Pierre Avenas, est un chimiste professionnel, passionné d’étymologie. Il traite, un par un, tous les éléments du tableau périodique de Mendeleïev (90 naturels et 28 artificiels). Il poursuit ensuite avec d’autres «éléments», comme des molécules complexes, pour un grand total de 300 substances.
L’histoire des noms au cours des siècles ne connaît évidemment pas de frontières et ce sont donc les noms français, mais aussi anglais, allemands, espagnols, italiens, suédois, que l’auteur examine, avec leurs racines grecques, latines ou arabes ! L’auteur doit nous donner au passage quelques rudiments de linguistique sur les règles d’évolution des mots dans les différentes langues. Ces explications peuvent parfois alourdir un peu la lecture du texte, mais l’auteur, sans doute conscient de cet écueil, nous donne des petits tableaux de synthèse résumés que le lecteur appréciera.
La mythologie joue un grand rôle dans cette histoire. L’Antiquité avait identifié 7 métaux, que l’on associait aux 7 «planètes» de l’époque, elles-mêmes associées à 7 dieux de la mythologie, puis aux 7 jours de la semaine. Plus tard, on a gardé cette coutume d’utiliser la mythologie pour nommer les éléments. L’auteur nous propose une grille généalogique de la mythologie gréco-latine très pratique pour suivre ses explications. Les mythologies égyptienne et scandinave sont également sollicitées, ainsi que les lutins mineurs germaniques (les Nains de Blanche-Neige !).
Les noms des éléments viennent aussi des noms de lieux où l’élément a été découvert (le cuivre pour Chypre) ou du pays d’origine du découvreur. Une mini-guerre des noms franco-allemande eut lieu en 1877 qui se solda par deux nouveaux éléments : le gallium et le germanium. Les noms viennent aussi du nom de savants. Mention spéciale pour le meitnérium, seul nom d’élément associé à une femme, juste revanche pour Lise Meitner injustement écartée d’un prix Nobel accordé exclusivement à son partenaire masculin pour la découverte de la fission nucléaire.
Au fil de ces histoires, on découvre des informations inattendues et des anecdotes savoureuses.
Ainsi apprend-on que les Grecs pratiquaient déjà le foie gras ; que le phosphore a été découvert en 1669 par un alchimiste qui cherchait de l’or dans l’urine ! Que le mot porcelaine vient du mot porc. Que l’eau de Javel vient du lieudit «javelle», mot d’origine gauloise. Que Walt Disney a nommé le chien Pluto en l’honneur de la planète Pluton récemment découverte (1930).
On apprend aussi que le styrène, un produit de la pétrochimie, a fait l’objet d’un poème improbable de Raymond Queneau (1958) ! Pierre Avenas se permet d’ailleurs d’y ajouter deux alexandrins de son cru !
Dans son épilogue, l’auteur fait remarquer que la vie se contente de 6 éléments chimiques seulement pour construire tous les acides nucléiques, donc le code génétique, et toutes les protéines du monde vivant. Six sur un total de 90 éléments existant dans la nature !
On comprendra en lisant ces lignes et les quelques exemples qui ont été donnés, que ce livre est une source inépuisable d’informations les plus diverses, amusantes ou sérieuses. Les multiples petites histoires qui nous sont racontées nous font mieux comprendre l’histoire générale de la chimie et des sciences en général : «Toute l’histoire de l’humanité depuis les pigments des peintures pariétales jusqu’aux éléments radioactifs découverts récemment» écrit Jacques Livage dans sa préface.
Le livre est divisé en petits paragraphes courts, agrémentés de beaucoup de photos et d’illustrations, ce qui en rend la lecture très attrayante. Grâce à son index, ce livre peut être consulté facilement comme un petit dictionnaire.